Il m'arrive régulièrement de rendre visite à un vieil ami que je connais depuis peu. Connaître au sens de partager ce qui nous élève. Au mur de son appartement des tableaux de Picasso, Derain, Cross, Prévert, Signac, Calder, Renoir... Un amateur d'art, donc. Sa cave à cigare est toujours bien remplie mais son café dégueulasse, le pire qu'on puisse offrir. Mais je le déguste sans râler. Chez lui, j'ai feuilleté récemment un original de Victor Hugo en reliure d'époque. Inutile de vous dire qu'entourés de pareilles beautés, nous passons quelques heures délicieuses.
Nous nous consacrons à ce que Michel Foucault appelait "le souci de soi" et nous le mettons en commun. Nous soignons notre amour du monde en échangeant des lectures. Nous nous tournons vers nous, mais ensemble. Nous essayons de prononcer des mots vrais, de partager des idées raisonnables. Nous conversons sur nos livres, nous nous remémorons quelques vérités qu'il est toujours utile de répéter.
Nous nous nourrissons de paragraphes qui interprètent le monde, nous mettons en marche les actions à venir que la veille nous nous sommes proposés malheureusement de remettre au lendemain ; nous tentons de porter le temps dont la consistance est parfois trop lourde pour nos épaules. Cet ami a connu Albert Camus et m'en parle. Il a aussi partagé quelques moments avec Pablo Picasso et Max Ernst. Quand il dépose ces morceaux d'humanité, je m'empresse de m'en imprégner.
J'ai noté, et vais le partager avec vous, l'extrait de l'avant-propos des Burgraves qui est pour cet ami un viatique à l'heure où la vie lui est comptée avec parcimonie. Le 25 mars 1843, Victor Hugo écrit ceci : "La civilisation tout entière est la patrie du poète. Cette patrie n'a d'autre frontière que la ligne sombre et fatale où commence la barbarie. Un jour, espérons-le, le globe entier sera civilisé ; tous les points de la demeure humaine seront éclairés, et alors sera accomplie le magnifique rêve de l'intelligence : avoir pour patrie le monde et pour nation l'humanité."
On choisit ses amis au gré des voyages intérieurs que nous propose l'existence. Certains s'éloignent quand d'autres s'approchent, dans un mouvement de balancier qui nous aide à avancer et à mesurer la distance qui sépare le passé du présent, un mouvement qui nous indique ce qu'il nous faudra effectuer comme pas en avant pour initier le futur. Les faits divers qui nous entourent aspirent à nous enfermer dans la pénombre et parfois les ténèbres. Il est bon de rechercher la lumière.
4 commentaires:
pfiff ! Connacht vs Gloucester, c'est aussi du rose contre du vert, mais à un autre niveau .
Zarma, ta prose transcende tout. Il y a de quoi azimuter. Surtout ne l'efface pas, stp, car tout le monde n'a pas la lecture immédiate.
Seras-tu à Treignac ?
Effectivement, tout le monde n'est pas toujours là....Du moins, pour ma part, occupé à je ne sais trop quoi et largement absent de "Comme Fou".
Tout d'abord, très beau texte -et pas seulement le texte- de Ritchie...Sans doute, pourrait-on dire, comme d'habitude, mais non. Un peu plus "habité" me semble-t-il. Et d'ailleurs, j'ai trouvé que cette envolée de Zarma confirmait mon sentiment. Car il semblait quelque peu disparu des cadres et il a bien fallu cet éloge à l'humanité pour le faire à nouveau vibrer; et assez clairement, ma foi. Les envols et les connivences culturelles peuvent m'échapper mais il en reste malgré tout un sentiment de révolte mâtiné d'un pessimisme naturel quand même un peu opposé au texte d'origine. Mais, bon, on ne se refait pas si aisément.
Et puis,où se situer entre "Déposition" de Léon Werth et "Vivre" de Pierre Guyotat?
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