lundi 2 mai 2022

De Pétrarque à Kerouac : réflexions

Ancien troisième-ligne champion de France avec Béziers (1972), André Buonomo a ensuite entraîné de nombreux clubs, en particulier Benetton Trevise entre 1986 et 1989, avec lequel il fut champion d'Italie. Je publie ici sa chronique sur mon dernier ouvrage, de Pétrarque à Kerouac (éditions les défricheurs, 2022), qu'il est possible de commander dans toutes les bonnes librairies.

"Hélas, je n’avais jamais étudié Pétrarque. Aussi je ne le connaissais que par son nom associé symboliquement au club italien de rugby de Padoue. Des maillots noirs, un jeu sombre style rouleau-compresseur, éclairé uniquement par d’interminables chandelles afin de faire mourir de peur tout arrière courageux mais souvent non-téméraire pendant quatre-vingts minutes. Jouer contre Pétrarque n’était ni poétique, ni humaniste !

En conséquence, je n’avais pas envisagé de lire François Pétrarque, résurgence de préjugés compulsifs sportifs trop associés à l’étroitesse restrictive de l’exploitation des capacités exceptionnelles que pouvaient posséder certains de ses joueurs. A la fin des années 80, l’international étranger au service à Padoue s'appelait David Campese, trois-quarts aile des grands espaces aux crochets fulgurants, star mondiale des Wallabies. Mais voilà, son entraîneur italien le faisait jouer demi d'ouverture, pour monter… des chandelles !

Cependant, aujourd’hui, grâce à une magnifique passe-croisée de Richard Escot, je découvre avec délectation ce magnifique texte de François Pétrarque, daté de 1336 et décrivant son ascension du mont Ventoux, situé en Provence. Il explore un espace de liberté imaginaire d’une telle densité dans l’action qu’il incite chacun à guider sa voie morale par l’introspection dans l’ascension. C’est une formidable ouverture sur l’enfermement des préjugés et une véritable fermeture sur celle de l’isolement.                   

Notre grand « Autre » se construit dans la monté et la descente. Ce n’est pas une révélation mais une proposition d’élévation de nos vertus. Passer de la lecture du mythe de la caverne, où se cherche à tâtons la lumière sans chandelle à celle de l’ascension du Ventoux où la pensée grimpe sous l’aplomb du soleil chaud et des odeurs méditerranéennes, oblige d’émouvants souvenirs à émerger dans la construction des voies morales. Mixité de souffrance et de plaisirs…

On peut se demander : qui étais-je à l’attaque de mes premières collines, avec mon frère Yvan, sur la pente raide du mont Saint-Clair, à Sète ? En mode entraînement ressort la soif de grimper sur des monts en courant pour conquérir tout Graal ! Mais que de sueurs froides... En mode vieillissement, marcher sur de petites collines, tel le mont Boron, en course poursuite pour lâcher prise. Dilemme complexe d’où émergent les sueurs chaudes à l'évocation de l'existence en continuité.

Comment vivre moralement de tels contrastes et se trouver de nouvelles vertus ? Mont et collines ne se croisent jamais, mais les jambes croisent les monts qui peuvent relier les réflexions au fil d’Ariane des grands penseurs et soulever ainsi ces grandes questions existentielles.

En bout de côte, Richard nous a proposé la trousse à outils de François. A lire et relire sans modération pour toute réparation thérapeutique. Un grand merci."

4 commentaires:

André Boeuf a dit…

J'ai le souvenir d'une chronique dans "Côté Ouvert", il y a déjà quelques temps, sur ce sujet. Et même, peut-être, sous ce titre. Est-ce que je me trompe?

richard escot a dit…

En aucun cas, André.
Sans doute dois-tu associer une phrase écrite dans une de mes chroniques au sujet de cet ouvrage... Mais pas sous ce titre. Ou alors je suis gaga.

Anonyme a dit…

Le capitaine de Béziers nous montre qu'en rugby pour être meilleur, l'histoire de l'autre nous apporte beaucoup chaque jour. Pétrarque doit nous en dire plus pour s'entraîner à grandir chaque matin et faire son bilan du soir. Je vais aller voir, même avec les pieds dans la Dordogne.

richard escot a dit…

Alors, les pieds dans la Dordogne, ça rafraichit l'esprit ?