Il y a déjà quelque temps que je n'avais pas ressenti et apprécié une telle tension dans un thriller à la fois lucide et dérangeant au point de ne pas voir passer les deux heures, assis devant un grand écran.
Misanthrope (en version originale :
To catch a killer) est de haute facture, alternant intimité, observation et action. D'excellents seconds rôles à foison donnent à cette enquête filmée au plus près de l'humain un relief de proximité palpable.
Rien n'est jamais stable. Ici, les "méchants" ne sont pas vraiment ceux que l'on croit, sans parler du "vilain", double noir d'un Jack Reacher qui serait incapable de réfréner ses pulsions. La traque, racontée sans pathos, presque froidement, s'avère intense, rebondissante, complexe, servie par des dialogues ciselés, un jeu d'acteur précis, des plans soutenus. Bref, un régal dans le genre policier noir. Un peu de
Seven, un zeste de
Zodiac, une touche de
Prisoniers, les ressorts d'
Insomnia...
L'Australien Ben Mendelsohn exprime avec finesse toutes les facettes d'un talent qu'il a grand et ce dès les premiers plans, sans fléchir ensuite. Utilisant le registre de l'outsider, Shailene Woodley (Divergente) monte crescendo minute après minute pour finir par prendre toute la place, au point qu'on demanderait presque immédiatement une suite à ce Misanthrope, subtilement réalisé par l'Argentin Damian Szifron, auteur d'un bijou de comédie noire en six volets - Les nouveaux sauvages - sorti en 2014.
Entortillé, le scenario envoute, et pour soutenir le sujet, la photo s'enfonce dans les tons sombres. C'est appréciable, la musique nous enveloppe à bonne distance, jamais prégnante, si ce n'est en quelques occasions bienvenues. Essayez, vous trouverez difficilement un défaut dans cet opus que j'ai déjà envie de revoir, où sont aussi traités de nombreux faits implantés dans cette société que nous avons construite et qui - attention aux dérapages - peut nous détruire.