Cinq étoiles. Sur le boulevard des célébrités, "Il était une fois... à Hollywood" revisite la chronique de l'année érotique dans la cité des anges en scope. Un véritable Master Class pour cinéphiles : attention, références obligatoires, sinon le risque de ne rien comprendre à ce long métrage hommage est grand. Quentin Tarentino n'est pas un réalisateur de cinéma, c'est le metteur en scène du cinoche.
Après "dans l'Ouest" et "l'Amérique", la thématique "Il était une fois" s'attaque ici aux racines du fiel, l'usine à rêves, la fabrique de fantasmes. Mais pas de façon frontale, non, plus subtilement en passant par l'entrée des artistes, porte basse où l'humiliation est un sésame. Entrez donc dans les coulisses de l'exploitation : vous y verrez une réalité scénarisée au plus serré. Pas de gras, pas d'émotion : Hollywood est une industrie, une sorte d'abattoir généreusement fourni en chair fraîche et en prédicateurs sataniques.
Toutes les scènes de cette satire comportent leur référent. Que ce soit une allusion, un pastiche, un détournement ou une copie conforme, elles placent ce neuvième film du petit Quentin - on a l'impression qu'il n'a pas grandi depuis ses premières amours pelliculées - au sommet de son art. C'est autant une chanson de geste qu'un acte d'amour, autant une analyse sans fard qu'un hymne au télé objectif, autant un long moment jouissif (plus de deux heures) que l'actualité de notre apocalypse.
Tout y est presque plongé à contre courant et à contre culture. Les hippies sont des connards ravagés, les doublures d'authentiques vedettes, le danger peut venir des fillettes post pubères et le destin n'en finit pas de frapper à la mauvaise porte. Cela dit, ce qui s'y voit est certifié : l'apport du cinéma italien, la puissance du tabac, les décors en trompe l'œil, les saillies égotiques (cf Bruce Lee) et j'en passe. Comme un docu-menteur transparent, ce film enveloppe le spectateur, l'enserrant petit à petit jusqu'à l'irrespirable, cette conclusion rouge sang qui est la couleur préférée de son réalisateur.
Restez jusqu'au bout du générique old fashion de fin, c'est là aussi savoureux, preuve (s'il en fallait) que cette symphonie en sol californien se comprend au troisième degré, dans une succession ébouriffante de tiroirs qui s'ouvrent comme un conte modelant le réel, alors qu'Hollywood, c'est exactement le contraire. Quentin Tarentino ou l'anti Walt Disney. Et puis cet art consommé de diriger les meilleurs acteurs de sa génération (Di Caprio, Pitt, Robbie, Fanning, Hirsch, Olyphant) et de la précédente (Russell, Pacino, Dern) afin qu'ils jouent authentiquement faux : là aussi, la marque décalée d'un drôle de bon génie.
6 commentaires:
Critique cinématographique, c'est ton home trainer? Heu...Ton violon d'Ingres!
Entre autres
Quoi qu'il en soit, ton commentaire m'a plu et m'a donné l'envie de voir ce dernier Tarantino. Ce qui est le but d'une bonne critique.
C'est davantage une chronique qu'un commentaire, me semble-t-il.
Pas du tout.
Je déteste pratiquement toutes les critiques habituelles cinématographiques du style: "un chef d’œuvre...", "on n'en sort pas indemne...", "comédie décalée...", et tutti quanti. D'ailleurs le problème de la critique c'est comme pour les courses de chevaux: il faut bien connaître le Jockey.
Il y a des lustres, dans les années 60, je lisais le journal "Combat" et ses grandes plumes. En comparant régulièrement leurs avis, (littéraires, cinématographiques et autres) avec les miens, je pouvais aller au cinéma, par exemple, en toute confiance, ou acheter un bouquin sans problème. Je savais que, par rapport à mes goûts, je ne serais pas déçu. Il faut dire que l'on peut obtenir le même résultat avec un critique que l'on n'apprécie pas du tout: ses opinions, ses avis seront inversement proportionnels à celui du lecteur!
Pour revenir au style d'une critique, ce que j'apprécie, c'est à la fois le sentiment personnel, émotionnel disons,le ressenti, combiné à une vision un peu plus large sur la situation du film dans un contexte ou même, dans l'histoire du cinéma éventuellement. C'est un peu ce que j'ai vu dans ta "chronique" si tu préfère employer ce terme.
Ah ah... Pas de souci. Je ne suis pas critique (au sens de la connaissance précise et encyclopédique du domaine), ni commentateur (je n'accompagne pas). C'est pourquoi j'aime bien chronique : parce qu'il y a "humeur" et "subjectivité" assumées dans ce terme. Et le côté temporel : ici et maintenant mais pas pour la postérité.
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