mercredi 10 décembre 2008

Je crée donc je mens

Avec l'envie d'avancer sur le chemin de la communication en ouvrant mon Pessoa quotidien: " L'art consiste à faire éprouver aux autres ce que nous éprouvons, à les libérer d'eux-mêmes, en leur proposant notre personnalité comme libération particulière. (...) Pour que je puisse transmettre ce que je ressens à quelqu'un d'autre, il me faut traduire mes sentiments dans son langage à lui. Et comme ce quelqu'un d'autre, par hypothèse de l'art, n'est pas telle ou telle personne mais tout le monde, je dois convertir mes sentiments propres en un sentiment humain typique, même si, ce faisant, je pervertis la nature véritable de ce que j'ai éprouvé." Créer, serait-ce donc mentir et pas qu'un peu ?

15 commentaires:

Anonyme a dit…

"Un sentiment humain typique"
Qu'est ce que c'est que cette affaire là...?

Anonyme a dit…

et ainsi soit du style...encore que...investir le réel et mieux en le travestissant...

Anonyme a dit…

Peut-être - ce n'est qu'une suggestion - faut-il entendre "sentiment humain typique" dans le langage pessoan par un sentiment universel, quelque chose qu'un humain pourrait percevoir d'où qu'il soit, d'un type de sentiment, plutôt, facilement repérable par tout et par chacun.
Mais, Pierrot sentimenteur, je n'ai pas l'impression que l'essentiel soit dans ce vocable plutôt dans l'idée que pour transmettre il faille mentir un peu, voire beaucoup, afin de se faire comprendre. Ce qui est à la fois très honnête et très troublant.
Mentir au sens de ne pas vouloir-pouvoir tout dire de ce qui est à l'intérieur de nous-même.
Faute de vocabulaire, faute de temps, faute de possibilités.

Rosa Puente a dit…

Il peut arriver qu'en travaillant j'omette des choses inconsciemment.
A force de mettre des couches et de couches... il m'arrive d'oublier ce que je voulais aborder, montrer, dénoncer...
Je pêche souvent de mettre des perles partout et du soleil là où il n'y a pas...
Faire éprouver aux autres ce que nous éprouvons, est un peu une imposition, et je pense qu'il faut laisser la plus grande liberté à celui qui porte son regard sur l'art.
Quant à "les libérer d'eux mêmes..." On peut essayer d'éclairer, partager une vision... mais, je ne suis personne pour libérer qui que ce soit de lui même!
Il faut se méfier de manipulations!!

Anonyme a dit…

Pessoa parle là de ceux qui ne sont pas capables d'exprimer leurs sentiments, ce qu'ils pensent, et qui ont besoin du transport de l'art pour se retrouver, s'entendre dire, se lire...
C'est bien pour cela que les grandes oeuvres sont à la fois personnelles et universelles, qu'en provenance d'un artiste elles touchent chacun et tous à travers les siècles et les continents.

Anonyme a dit…

Justement Ritchie, je trouve cela assez réducteur...Si toute la création, toutes les créations devaient être converties en un sentiment typique...je trouve que cela deviendrait rapidement chiant, voire mortel pour la dite création...Demande à Pierre...

Anonyme a dit…

Pierrot, je vois plutôt ça comme un type de sentiment parmi d'autres, une foule d'autres. Connaissant Pessoa, j'imagine qu'il utilise le terme de façon générique, pas du tout réductrice, bien au contraire.
Je te conseille "le livre de l'intranquillité". Une merveille. D'où j'ai tiré ce texte. Bien sûr que passé à la focale de mon blog, ça rétrécit le propos. Il faut voir, sans doute, le texte dans son ensemble. Car la narration en pessoan est assez particulière.
Au fait, les filles du rugby à Quayrac, ça donne quoi ?

Anonyme a dit…

" je suis seulement le lieu où l'on pense, où l'on ressent", voici ce qu'il nous dit entre autres le Poète médium, je n'aime pas ce terme hâtif, mais bon et ce qui peut se porter au soutien de la phrase extraite par Richie comack ( ne verlan ça fait...)eta ussi ça qu'on n'est pas seul en soi."

Anonyme a dit…

de là aussi ses recours à des hétéronymes ( aucun vice sexuel bernardement tapi là-dessus qu'on se rassure encore que...)...bref il faut y aller voir...Richie a raison

Anonyme a dit…

A lire, "le mentir vrai", d'Aragon : bien que mensonge, le transformation par l'écrivain de faits réels transporte une vérité plus forte que leur simple reproduction...

A hypocrite lecteur...

PS désolé ne pas être des vôtres le 15/12.
Peut-être une prochaine fois ?

Seb en Ovalie... a dit…

Juste un petit aparté dans ce débat entre créatifs,pour remercier chaleureusement,sans mentir,par le bias de ce blog,une "perle" brune,créatrice de formes pour mieux nous parler d'elle et des femmes en génèral.Merci Rosa pour cette visite surprise matinale dans mon atelier dvdistique,créant chez moi une émotion sincèrement émue.Failli en perdre mon latin... D'un matin où les problèmes informatiques s'enchaînaient,le sourire m'est revenu dans le coeur grâce au tien que tu m'as fait partager.Sans tricher deux âmes se sont ouvertes.Quelle est fambloyante la création de la vie quand elle se prolonge de la sorte,cette journée sauvé par l'humain!Et comme il n'y pas de hasard,Ritchie a continué cet élan fraternel en m'invitant at home pour une bonne tranche de MRC.Ai donc pu Rosa,partager ton gourmand présent avec notre "trait-d'union" de Ritchie,les saveurs en étaient que plus succulentes,la boucle était bouclée,magnifique!Voilà ce que le passé,le présent,l'avenir me dicte,engendrer sans tricher,ces moments d'émotions pures où les masques sont tombés et l'être humain,lui,splendide quand il est à nu.Merci pour cet éclatant rayon de soleil.Et à bientôt dans ton antre...La vie est belle

Anonyme a dit…

J'aimerais bien, y aller voir. Mais l'intranquillité est en rupture du côté de ma fnac, et on me dit que c'est pareil chez l'éditeur. Par contre, y en a 15 à la fnac forum. Tiens : j'irais lundi prochain, avant le gueuleton!
Pour en revenir à not'poèt (pouette, tagada, tsoin, tsoin, bien sûr):
Créer, c'est communiquer (tu l'évoques Ritchie dans ta propre introduction).
Le mensonge implique une dissimulation de la vérité. Pessoa invoque plutôt une "perversion de la nature véritable de ce qu'il a éprouvé", en ce sens que pour toucher le plus grand nombre, il est obligé de retranscrire ce sentiment dans ce qu'il a de plus basique. Et ce n'est pas le récipiendaire qu'il trahit ainsi, mais lui-même, car il n'a pas transmis la nature exacte (précise) de son sentiment.
Rosa a raison lorsqu'elle dit qu'il ne faut pas faire de l'art une imposition en voulant "faire éprouver" aux autres ce que nous avons éprouvé.
Avoir le choix est la première des libertés (à mon sens). Et celui d'interpréter une oeuvre d'art selon ses propres codes est un choix primordial. Libre, ensuite, à l'artiste de poursuivre son "envie d'avancer sur le chemin de la communication" par d'autres moyens, notamment l'écrit (Ritchie, complément de Pierre? Pierre, complément de Ritchie? That is the question!). On n'est pas obligé de consulter cet appendice complémentaire, mais ça aiderait ceux qui ont envie de comprendre. Comprendre quoi? Ce que l'artiste a voulu dire. Car qu'est-ce que l'art si ce n'est un moyen esthétique (le plus souvent) de communiquer. Ce serait dommage, alors, de ne s'adresser qu'à une poignée d'érudits. Nul besoin de leur mentir. De toute façon, chacun de nous détient "sa" vérité. La création de l'artiste nous donne sa vérité à lui. Elle ne nous est pas imposée puisqu'on choisit de la contempler (ou non). Libre à nous de l'interpréter à notre guise (et on ne s'en prive pas).
Donc créer, ne serait-ce pas susciter le débat? Et n'est-ce pas ainsi qu'on fait avancer l'Humanité (pas celle du Colonel Fabien)? Zarathoustra évoquait "cette volonté de puissance qui élève l'homme jusqu'au surhomme", soit l'expédition Nitzschéenne de l'idée. A force d'en déverser à longueur de ce blog, on y va tout droit les amis!
Comme j'ai hâte de mettre fin à ma "tranquillité"... A lundi Fernando!

Anonyme a dit…

Je vais conduire mes filles à l'école par ce temps glacial. Mais vos posts me réchauffent.
Effectivement, de quel mensonge parlons-nous ?
C'est dans la suite du texte de Pessoa, il me semble. Mais je ne peux pas tout écrire ici... Mon petit blog n'est qu'une incitation à aller plus loin. Et je sens bien que chacun ira creuser dans son propre jardin, au plus profond.
Bel échange. Effectivement, Aragon, eh oui, merci Antoine. Dommage que tu ne sois pas des nôtres lundi. Sans aucune doute partie remise.
Je vais relire un peu ce matin. Avant d'aller bosser ailleurs. Faut bien crouter.

Rosa Puente a dit…

Moi aussi j'ai hâte de plonger dans l'intranquillité.
En attendant, j'adore vous lire!
Seb, bien sur que la vie est belle...!
c'est l'humain qui gâche tout....

Anonyme a dit…

Incroyable : une réponse et deux commentaires! Je me sens adopté sinon encore coopté par cette bande de fous qui citent Pessoa et Thomas Bernhardt, qui aiment James Gray, communient en trois mi-temps (surtout la 3ème si j'ai bien compris) et même vont voir les expos de Lee Miller et Douglas Gordon (Philippe Parreno c'est très très bien aussi, même si leur film n'est vraiment pas terrible, pas plus que leur sujet qui ne vaut pas Diego c'est sûr même si le foot n'est pas mon royaume)... Pour les virgules et les coquilles, s'en prendre à ma congénitale maladresse avec la bécane, à rien d'autre.
J'ai à mon grand regret raté le Liban pour cause de Luxembourg (ni le jardin ni la banque!), mais j'espère ne pas rater l'asado (El Sur près d'Al Dar, Unico..?). Je m'y prépare dès maintenant car comme disait Brancusi : "Il faut monter très haut pour voir très loin". Je suis encore intimidé, mais j'espère être, la prochaine fois, plus dans votre ton.