dimanche 13 novembre 2016

La famille Thoreau

Il y a six ans, le philosophe américain Noam Chomsky écrivait : "On va nous dire que les hommes blancs sont une minorité persécutée. On va nous dire de nous défendre, et de défendre ainsi l'honneur de la nation. La force militaire sera exaltée. Des gens vont être frappés. Si les sondages sont corrects, ce ne sont pas les Républicains mais l'aile droite des Républicains, des fous, qui va tout balayer lors des prochaines élections." Prémonitoire.
 
On peut haïr les familles pour ce qu'elles n'offrent que le Gide et le couvert. Ou alors se dorer l'âme devant un petit lever de soleil, n'est-ce pas miss ? Au cinéma, elles pullulent et il suffit de commencer par Addams, Bélier, Tenenbaum et Berkman pour rester en bonnes compagnies. Une nouvelle portée vient d'arriver, qui écoute les Variations Goldberg version Gould (je préfère personnellement celle de Gustav Leonhardt sur clavecin mais on me parle de Pierre Hantaï, alors) et les suites pour violoncelle de Bach par Yo-Yo Ma. 
 
Le cinéma m'entre par les oreilles. Je bande son, j'avoue. Alors voici la famille Cash, sept pèrecenaires dans une trouvaille rafraîchissante intitulée Captain Fantastic, fable thoresque qui font se succéder décalages et collages, allégories et péremptions, contre-pieds et élans, relances dans les taillis et formules lapidaires. On ne dira pas plus grand que nature mais s'y plonger prolonge nos réflexions à l'heure où la politique nous Trump, où la bêtise nous confond, où le pire est à vomir.
 
Le déséquilibre est toujours la meilleure façon de trouver l'harmonie. Il faut oser imposer pour mieux explorer ensuite ce qu'est la liberté. Eduquer n'est pas satisfaire, c'est finalement parvenir à proposer le choix. Rude responsabilité que celle d'avoir à constituer la palette, toute la palette, avant de l'offrir. Le laps de temps dont disposent les parents pour aider la chenille à s'envoler papillon n'est pas extensible, il est intense. Fable donc, et rien que pour cela vitale.
 
Depuis plusieurs jours, j'ausculte les médias américains, ceux qui n'imaginaient pas que le peuple américain allait se choisir un Donald pour président après avoir élu un Ronald, une sorte de Tapie dans l'ombre d'extrême droite après avoir testé un acteur de seconde zone. Le malaise est grand, gros et moche. Alors plutôt que me morfondre à observer le pathétique "president-elect", je suis allé voir Captain Fantastic.
 
Restons un moment en H.D. dans le domaine romantique. "Ce voyage que je viens d'y faire m'a remis en mémoire que ce pays est toujours extraordinairement nouveau. Il vous suffit de voyager quelques jours dans l'intérieur ou l'arrière-pays de bon nombre des anciens Etats pour toucher du doigt l'Amérique que les Normands, Cabot, Gosnold, Smith et Raleigh ont visitée. Cependant que la République s'est taillée une histoire mondiale, l'Amérique n'est toujours ni colonisée ni même explorée. Nous ne vivons, aujourd'hui encore, que sur la bordure de ce continent, et nous savons à peine d'où viennent les fleuves qui portent notre flotte." Les forêts du Maine, Ed. José Corti. (p. 90).


22 commentaires:

Gariguette a dit…

Tu prends le Thoreau par les cornes Ritchie, mais finalement en écrivant ce 2e hymne à la Nature - après The Revenant - tu nous fais retrouver l'Amérique profonde, les Pères Fondateurs, les cowboys de nos vieux westerns chéris . L'Amérique qu'on aime en quelque sorte (parce qu'on a peur de la haïr à présent ) Ce film est cependant différent ; d'habitude, l'homme dégoûté de la société va vivre dans la Nature, là si j'ai bien compris car je ne l'ai pas vu, le héros accomplit le chemin inverse et ramène ses enfants vers la "civilisation " après les avoir élevés en pleine indépendance . De Rousseau à Mac Do .
Comme tu choisis l'angle de l'éducation - pas une simple fable écologique apparemment- là forcément le message devient plus subtil ( bien d'avoir ajouté après coup la référence Chomsky en ouverture ... ) . A ces vieilleries malgré tout exaltantes : les territoires inexplorés, le goût de l'aventure, l'appel de la forêt ...viennent s'ajouter en superposition les valeurs d'un pays, d'une Nation "one and indivisible" ( hum hum ! ) et les valeurs tout court . Celles de l'Homme, celles que les pères doivent absolument transmettre pour faire de leurs enfants des hommes à leur tour - oui des femmes aussi mais bon ... on s'est compris . On sent bien que tout cela, cette Amérique, difficilement fabriquée de bric et de broc à coups de principes, de lois, d'expérience(s), de philosophie : tout cela vacille sous les coups de boutoir d'une idéologie malsaine .
Le paradoxe c'est que Trump et ses acolytes ont aussi prôné l'idée d'une Amérique puissante aux valeurs intangibles puisées dans leur passé de Pionniers (cf slogan Make America great again ) . Ca me fait penser à la musique country, des chansons nostalgiques plutôt belles, mais parfois complètement réac' qui surfent aussi sur ce goût de l'Amérique profonde pour son Histoire commune . Curieux comme les mêmes notes peuvent susciter des sentiments aussi opposés . Trump c'est pareil, là où nous ne voyons que délire, muflerie et grossièreté, certains ont vu un leader . Comprendre ce décalage aidera sans doute à dissiper le malentendu . Je me demande ce que Thoreau en penserait, de là à imaginer qu'il songerait à la désobéissance civile ...

richard escot a dit…

je constate, avec plaisir, que tu as tout compris. Comme d'habitude, Sylvie. Biz

zarma a dit…
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André Boeuf a dit…

Certainement.

zarma a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
André Boeuf a dit…

Étant donné que je prône généralement pour une exposition des faits -et du reste, pourquoi pas?- la plus proche de la vérité, je dois reconnaître que, globalement et manifestement, je n'y comprend pas grand chose.
Comme mon père me le disais -presque inlassablement-,

"Ce qui ce conçois bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire viennent aisément",

j'ai une certaine tendance à la clarté.
Mais une autre partie de moi-même est sensible à l’ellipse, à la touche légère, à l'imagination, à une certaine forme de poésie évocatrice.

Et puis:

..."Pour moi, n'existent que les voyages sur les chemins qui ont un cœur, tous les chemins qui ont un cœur. C'est là que je voyage, et le seul défi qui compte, c'est d'aller jusqu'au bout. Et j'avance en regardant à perdre haleine".

..."N'importe quoi n'est qu'un chemin parmi des quantités de chemins."

..."Tous les chemins sont pareils, ils ne mènent nulle part".

..."Les chemins ne conduisent nulle part, mais celui-ci a un cœur, et celui-là n'en a pas; sur celui-ci le voyage sera joyeux, et tout au long du voyage, vous ne formez qu'un. L'autre vous fera maudire l'existence. Le premier vous rendra fort, l'autre faible".
DON JUAN

Et puis, un peu plus tard:

BEELS: avant de terminer, je voudrais vous dire que je viens d'achever la lecture de "Mind and Nature". C'est un livre passionnant, et surtout, il est clair -clair comme un son de cloche.
BATESON: je suis très heureux de vous l'entendre dire. Vous savez....-qui donc est le sorcier de Castaneda-?
BEELS: Don Juan.
BATESON: ah oui! Il cite don Juan disant que l'un des nombreux obstacles à surmonter pour devenir un guerrier est la clarté. Il faut surmonter la clarté. Et bien, je suis un ferme défenseur de la clarté -comme je suis un ennemi résolu des guerriers".

Que penser de tout cela?

AB

Jacques Labadie (Pipiou, dit aussi Jacquouille) a dit…

Malheureux !
Ne cite pas Boileau à Zarma, tu vas nous l'énerver...

André Boeuf a dit…

Comme disait mon prof:
-"Passé les bornes, il n'y a plus de limites".
Ce dictionnaire m'a rendu "comme fou" et il n'y a plus grand chose à attendre de moi...!
AB

André Boeuf a dit…

Coïncidence, air du temps...

Lu dans le dernier "Télérama", reçu hier, page 14:
-"Les intouchables de Télérama...100 films de l'histoire du cinéma".
A quand votre "Dictionnaire du désir de voir", à toi et à Seb?

Et, juste à côté, un petit article sur un tout jeune réalisateur, Hugo Pillard, qui dit que "la musique est sa boite à rêves" -ça me rappelle quelqu'un-... et que...c'est ... "le rythme de la musique, colonne vertébrale de ses films", qui donne la cadence à ses scénarios.

André Boeuf a dit…

Je tombe sur un article montrant Bernard Laporte "entraîner", le vendredi 4 novembre, l'équipe de Périgueux..
C'est Jacky Adole qui a dû être content!

zarma a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
zarma a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
André Boeuf a dit…

Difficile, très difficile..
Surnage ce cher Teilhard de Chardin, que j'aime beaucoup, et cette histoire d’imposture dont j'avais déjà entendu parler. Elle est loin d'être la seule...Comme au lieu dit de Glozel, à Ferrières-sur-Sichon, dans l'Allier que je connais pour y passer assez régulièrement à vélo..
Et puis, effectivement, très beau chant III dans l'"Art poétique" de ce Nicolas Boileau qui, paraît -t-il, risquait de t'énerver. Heureux soyons-nous de posséder Wikipédia qui a ressorti de la tombe qu'est mon cerveau ce texte dont quelques bribes de ma scolarité ont ressurgis.
Ma culture est loin d'être océanique comme la tienne. Elle est même extrêmement lacunaire, mais j'essaye d'en tirer le maximum. Je fais de mon mieux avec ce que j'ai, comme on dit! Et puis une certaines facultés, comme une bonne mémoire, de l'imagination, et, par dessus tout, une faculté à sentir les choses -certaines plus que d'autres- et à établir des liens, tenter des coups. Et m'en tenir à çà.
Bob Kennedy, assassiné, il me semble?
AB

Jacques Labadie (Pipiou, dit aussi Jacquouille) a dit…

Juste une petite taquinerie, Zarma...
Pour être honnête, le Parnasse, c'est pas trop ma tasse de thé, ou alors quand c'est déclamé par Gérard Philipe plus hispagnolant que jamais ("Nous partîmes cinq cents; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port").
Sinon, à trop tomber sur la rime, ça finit par ressembler à une mauvaise rythmique West Coast qui tombe sur le temps, et ça devient plan-plan.

Quand à Bob, l'enquête est formelle: il s'est effectivement suicidé de 12 (ou 13) coups de revolver qui lui ont été tirés à bout portant par 2 armes différentes au moins.

André Boeuf a dit…

Le temps de raccrocher et tout un monde, une structure, une trilogie -toujours ce principe du tabouret- me saute aux yeux, à l'esprit.
Bizarre trilogie, mais, après réflexion, cohérente. Roman Opalka, Coluche et Pierre Soulages!
Pour Ritchie, "le cinéma lui rentre par les oreilles",
Pour Boileau, "les yeux saisiraient mieux la chose" et,
Pour Thoreau, la palette est large dans ce continent encore inexploré.
A travers la vue, Soulages et son outre-noir cherche à baliser un extrême plein de nuances.
A l'autre bout de la palette, Opalka en fait de même. Personnellement, j'ai vu quelques unes de ses toiles au Musée d'Art Moderne de Saint-Étienne. Je l'ai surnommé, à l'opposé de Soulages, l'outre-blanc.
Il matérialise, visualise, le temps impalpable, le temps qui passe. Et, contrairement à Coluche, crucifiant de son humour décapant une publicité de lessive certifiant que le linge sera plus blanc que blanc, par une formule du genre:
-"Gris, je sais ce que c'est. Moins gris, c'est gris clair. Mais plus blanc que blanc, je ne sais pas. Blanc, c'est blanc". Comme le "Noir, c'est noir" de son ami Johnny.
Et bien non. Pas tout à fait.
En gros, peindre la succession des chiffres en blanc, sur une toile grise, de taille toujours identique, devenant, à partir du 1.000.000, 1% plus blanc à chaque nouvelle toile, et se photographier devant chaque toile, montrant ainsi les atteintes du temps réel, et, de plus, s'enregistrant comptant les chiffres peints, cela relève quand même d'un concept époustouflant. Je pense un peu à Jean-Pierre Raynaud et sa folie des carreaux blancs et des seaux chirurgicaux.
Mais, pour le pékin moyen, moi en l’occurrence, est-ce-une œuvre d'Art? Voir un tableau blanc, à l'aune de Coluche, est-ce enthousiasmant? Hors explication, j'entends.
Alors que, une toile de Soulages, plus ou moins noire, mais avec des proportions données, des toiles variées etc. peuvent être appréhendées, comme çà, immédiatement, et aimées. C'est mon idée.
L'Art, oui, le concept dupliqué,non.
Par ailleurs, chapeau bas, Opalka, pour cette vie entièrement vouée à son art. Là je peux le dire.
AB

Serge EYNARD "Sergio" a dit…

Enfin, le cinéma à l'Est d'Eden a de grandes oreilles et fait bander mou. Y a qu'à voir les Simpson, comme celui qui ventoux. Faut arrêter d'en prendre. Mais bon, à propos de Boileau, aujourd'hui c'est Beaujo.

André Boeuf a dit…

Je bats ma coulpe. J'ai dû, en effet, trop consommer. Je ne sais même plus ce que je voulais dire. Sans intérêt en l'état.
Bon, je me repose d'une bonne sortie vélo qui m'a remis les idées en place tout en écoutant le Jazz sur Musique.

André Boeuf a dit…

Je tombe sur deux citations qui me réconcilient un peu avec moi-même:
La première, d'Oscar Wilde:
-"On devrait toujours être légèrement improbable".
Et la seconde, qui soulignait l'état d'esprit de Pierre Barouh et de sa maison de disques, "Saravah":
-"Il y a des années où l'on a envie de ne rien faire".

André Boeuf a dit…

Il y a des semaines qu'on lit "18 commentaires"....!
Çà me parait un peu long, et, pour tout dire, presque insupportable...
Que deviennent les gens, qui, comme moi, et, donc, quelques peu fous, se retrouvent "obligés" d'attendre le bon vouloir du Prince...?
Qu'il lui sait -ou soit- gré de bien vouloir se signaler à nouveau...Ses reins pliant sous un trop lourd emploi du temps, ne doivent plus être capable d'assumer cette énième responsabilité....?!
Ne pas oublier cette maxime du Capitaine Achab:
-"Un homme débordé est un homme qui n'est pas à la hauteur de sa tâche!".
Loin de moi, et malgré tout mon fiel, l'idée suggérer quelque mauvaise pensée..! Juste, peut-être, une envie de repartir sur des chemins moins bornés que certaines élections en cours et à venir.
AB

richard escot a dit…

Ca vient, ça vient. Mais quand on à rien de mieux à dire que le silence, mieux vaut s'en tenir à la pause.

richard escot a dit…

L'idée originale ne se trouve pas partout. Mes lectures sont actuellement liées au lexique anglo-saxon de civilisation. Les Front Benchers. Kiss and Tell. Jai découvert aussi Ozzie and Harriet. Ca manquait à mon bagage. Mais pas de quoi en faire une chronique.
Rien vu au cinéma de frappant, rien lu d'extra.
Bref, un moment de calme sur l'amer, dirait le capitaine. Pas débordé, non, toujours à la hauteur de la tâche, donc, juste sans vent au large.
A plus...

André Boeuf a dit…

Quoique je pense -et suis sûr- que tu contrôles un emploi du temps et des activités largement au-dessus de mes maigres activités...! Supportables, donc, apparemment.
A bientôt et, bon vent.
AB