samedi 21 novembre 2020

Nixon richement revisité

Je l'ai dévoré sans parvenir à le lâcher : à chaque phrase une info, à chaque page le plaisir de trouver la suivante. Je considère La chute de Nixon, écrit par mon ami Georges Ayache et tout juste sorti des presses, comme un pur bonheur dont on ne se lasse pas puisqu'arrivé au terme de ce décryptage traité comme un polar, surgit l'envie de revoir Les trois jours du Condor (S. Pollack, 1975), Pentagone papers (S. Spielberg, 2017) et Les hommes du Président (A. Pakula, 1976), dans cet ordre. L'exploit, car s'en est un, de l'ancien diplomate et universitaire devenu écrivain consiste au final - mais dès les premières pages - à rendre ce paria de "Tricky Dick" presque sympathique, ce qui n'est pas une mince affaire. L'impeccable documentation et le style énergique de cet opus nous entraîne dans les arcanes du pouvoir nord-américain comme en territoire familier. Quaker californien - quel oxymore ! -, Richard Nixon n'a jamais été accepté par les élus qui font la politique, juste toléré tant qu'il pouvait servir quelques intérêts : c'est une des nombreuses révélations de ce voyage à dos d'éléphant... A partir de ce prélude se construit une trame dramatique remarquablement analysée par l'auteur, scenario qui nous permet de mieux comprendre les ressorts des élections suivantes qui vont jusqu'à la récente sortie de Donald Trump du Bureau Ovale. Riche jusque dans les notes succulentes situées dans la partie annexe - ce qui oblige néanmoins à un va-et-vient incessant -, ce guide adopte une approche oblique particulièrement stimulante et donne à voir, à la périphérie, les remous de la saga Kennedy, effet miroir déformant sans lequel rien ne peut être parfaitement distingué. Fort d'un lexique (Mad Men, brahmane, Ivy league, pink sheets, Orthogonian, gerrymandering, Camelot, Tammany Hall) et d'une galerie de portraits (Alger Hiss, Jerry Voorhis, Helen Douglas, Hedda Hopper) qui nous familiarisent avec une époque et des moeurs, La chute de Nixon (Perrin, 2020) est clairement l'oeuvre d'un archéologue fouillant au plus profond de la psyché américaine, questionnant avec le talent d'un conteur son éthique et ses pulsions, l'hubris et le chaos, des vérités et sa violence. On en sort avec l'urne pleine d'interrogations, quelques convictions ébranlées mais davantage d'acuité.

8 commentaires:

Marc Germain a dit…

dommage que les librairies soient fermés , j'aurais été l'acheter dés lundi , je vais attendre car aussi bizarre que cela paraisse, j'ai toujours eu une sorte de sympathie pour Nixon .

richard escot a dit…

Tu cliques sur perrin 2020 dans le texte et tu peux le commander. Andre Buonomo l'a fait

André Boeuf a dit…

Je me répète évidemment, mais mon cher P.K.Dick avait déjà Nixon dans le collimateur. Du coup, je lirais certainement ce livre pour en savoir un peu plus du passé et sous un autre angle, mais aussi du présent et de l'avenir proche avec Trump et son comportement délirant nous présentant une facette à peine extrême des États Unis. Par la même occasion j'achèterais "Yoga" d'Emmanuel Carrère qui a écrit une belle biographie de Dick en 1993.

Marc Germain a dit…

je le commanderai et l'acheterai en librairie , je suis de la vieille école qui achète dans les commerces ahahahah car j'aime me promener au milieu des livres et ainsi en découvrir de nouveau par hasard ...déjà que nous n'avons plus qu'une librairie a bastia , la seconde ayant fermé au 30 oct , c'est terrible ...bon dimanche

Gariguette a dit…

L'heure de toutes les remises en question est arrivée, de la chute du mythe Kennedy à la quasi réhabilitation de l'odieux Dickie ! Je suis comme Marco ; jamais pu le détester tout à fait, il y avait trop de haine(s) . Remarquez même l'éxécution des Ceaucescu m'avait glacée !
Je me disais aussi que le soap opera Camelot méritait une 2e lecture, ça tombe bien ! Merci Richard de nous ouvrir une nouvelle porte d'évasion pendant le confinement .

richard escot a dit…

Plaisir partagé

Steph a dit…

Nixon grand admirateur de Charles de Gaulle. CdG a été sa première visite de dignitaire à l'étranger. De Gaulle lui a conseillé fortement de sortir du bourbier vietnamien...

richard escot a dit…

Je vois que ce livre nest pas anodin. Tu me diras ce que tu en penses