lundi 19 mars 2012

Une seule couleur

En rugby comme en politique. Des goûts et des couleurs. Il y a le noir, porté en chemise. Le noir Marine. Je sais, c'est pas joli au teint mais parfois ça gagne. Malheureusement. Mais certains Français ont apprécié l'Occupation du terrain. Il y a le bleu. C'est pas terrible terrible. Du fond de grand écran pour les meetings : vous remarquerez que tout le monde, ou presque, en met. Ils ont un demi de mêlée, les Bleus, à la Fouroux. Nicolas Furax qu'il s'appelle. Avatar avorton du grand Jacques. On parle du rose, comme au Stade Français de Max, comme au Racing du Showbiz. Sauf que ce rose-là manque de punch. C'est un peu mou des pattes de devant. Dommage. Pas de souffle, non plus. François mais en version Chamalow. Le vert, aussi. C'est joli. Mais ça joue dans tous les sens, sans esprit d'équipe. L'orange maintenant et ça attaque au centre. Une hérésie. Parce que plus personne ne passe au centre, désormais. Et puis le Pays de Galles a remporté le Grand Chelem, samedi. Le rouge a dominé ce week-end. Le Rouge Bastille. De belles prises de bal du dimanche. Mélanchon on ne connait pas son prénom mais il vient de se faire un non.

9 commentaires:

cds a dit…

Merci pour le passage Ritchie !

Tiens, un extrait de ce que je suis en train de lire en ce moment… =)

"Au XXiéme siécle, le rêve communiste a misérablement échoué, aboutissant à une catastrophe économique, éthico-politique et -ne l'oublions pas- écologique. Mais les problèmes qui ont suscité ce rêve persistent, et un nouveau mode d'activité par-delà le marché et l'Etat devra être réinventé. Seulement voilà : est-ce possible dans les sociétés complexes d'aujourd'hui ? L'entiére naturalisation (ou l'auto-effacement) de l'idéologie nous impose une conclusion navrante mais inévitable concernant la dynamique sociale globale contemporaine : de nos jours, c'est le capitalisme qui est proprement révolutionnaire. Au cours des derniéres décennies, il a complétement métamorphosé notre paysage, technologiquement, idéologiquement, etc., tandis que la plupart des conservateurs et des sociaux-démocrates, désespérément cramponnés à de vieux acquis, se sont contentés de réagir à ces changements. Dans une telle constellation , l'idée même d'une transformation sociale radicale peut nous apparaître comme un rêve impossible.

Mais ce terme même - "impossible" - devrait nous donner à réfléchir. Aujourd'hui, le possible et l'impossible sont répartis d'étrange manière, chacun se dilatant excessivement. D'un côté, dans le domaine des libertés individuelles et de la technologie scientifique, l'impossible devient toujours plus possible (c'est du moins ce qu'on nous dit) : "rien n'est impossible", nous pouvons jouir du sexe dans toutes ses versions perverses ; des archives entières de musique, de films et de séries télévisées sont disponibles en téléchargement ; le voyage spatial est ouvert à tous (il suffit d'avoir l'argent...) ; à New York, des chirurgiens accomplissent déjà la prouesse consistant à couper un pénis longitudinalement, afin que son heureux détenteur puisse copuler avec deux femmes en même temps ; nous pouvons augmenter nos capacités physiques et psychiques en manipulant le génome et, qui sait, concrétiser le rêve technognostique d'acquisition de l'immortalité par la transformation de notre identité en un logiciel téléchargeable d'un ordinateur à l'autre...

(…)

cdsuite…:) a dit…

D'un autre côté, et en particulier dans le domaine des rapports socio-économiques, nous aurions atteint l'âge de la maturité, cet âge dans lequel, avec l'effondrement des États communistes, l'humanité a abandonné les vieux rêves utopiques millénaires pour accepter les contraintes de la réalité (comprendre : de la réalité socio-économique capitaliste) avec son cortège d'impossibilités : on ne peut... s'engager dans des actes politiques collectifs (qui aboutissent nécessairement à la terreur totalitaire), ni s'accrocher au vieil État-providence (qui rend non-compétitif et mène à la crise économique), ni s'isoler du marché global, etc. (Dans sa version idéologique, l'écologie égrène aussi sa liste d'impossibilités, essentiellement en termes de pseudo-"valeurs-seuils" - par exemple, le réchauffement planétaire ne devrait pas excéder deux degrés Celsius - établies grâce à certaines "expertises"). Telles se présente la vie dans l'ère postpolitique de l'économie naturalisée : les décisions politiques sont en règle générale exposées en termes de pure nécessité économique - lorsque des mesures d'austérité sont décrétées et appliquées, on nous affirme à l'envi que c'est simplement ainsi qu'il convenait d'agir. Peut-être le temps est-il venu d'inverser ces coordonnées du possible et de l'impossible, d'accepter sagement l'impossibilité de l'immortalité (avec l'omnipotence qui accompagne celle-ci) et d'ouvrir l'espace à des changements sociaux radicaux, en évitant absolument tout fatalisme fondamentaliste. Peut-être ne pouvons-nous accéder à l'immortalité, peut-être faut-il se contenter d'un seul pénis et garantir plus de solidarité et de soins de santé, qui sait ?

Comme toujours dans des cas similaires, nous voilà confrontés au paradoxe familier de l'interdit de l'impossible : puisque le changement radical n'est pas possible, il convient de l'interdire. À la mi-avril 2011, les médias ont rapporté que le gouvernement chinois avait interdit de montrer à la télévision et dans les salles de cinéma tout film ayant trait au voyage temporel et à l'uchronie, arguant que cela introduit de la frivolité dans le domaine ô combien sérieux de l'histoire - même l'échappée fictionnelle dans la réalité alternative est considérée comme trop dangereuse. Nous autres libéraux occidentaux n'avons pas besoin d'interdictions aussi explicites : concernant les spectacles acceptables ou inacceptables, notre idéologie dispose d'une force de frappe suffisante pour empêcher que des protocoles narratifs alternatifs soient pris un tant soit peu au sérieux.

(…)

cdsuite2…:)) a dit…

De nos jours, le communisme ne désigne pas tant une solution qu'un problème : la problématique des communs dans toutes ses dimensions - celle des communs de la nature comme substance de nos vies, celle de nos communs biogénétiques, de nos communs culturels (la "propriété intellectuelle"), et surtout la problématique des communs en tant qu'espace universel de l'humanité duquel nul ne devrait se voir exclu. C'est pourquoi, comme Alvaro García Linera l'a dit un jour, notre horizon doit rester communiste - non pas en tant qu'idéal inaccessible, mais en tant qu'espace mental dans lequel nous évoluons. Est-ce impossible ? Notre réponse devrait inverser le paradoxe du fameux slogan : soyons réalistes, demandons l'impossible. Aujourd'hui, la véritable utopie est de se convaincre que nous serons capables de résoudre nos problémes par de modestes transformations du système existant. L'unique option réaliste consiste à accomplir ce qui semble impossible à l'intérieur de ce système.

L'horizon communiste est peuplé des siècles de rébellions radicales d'inspiration égalitaire qui, de Spartacus à nos jours, ont échoué - oui, toutes ont été des causes perdues, mais, comme Chesterton l'a écrit dans Le Monde comme il ne va pas, "les causes perdues sont précisément celles qui auraient pu sauver le monde".



Slavoj Žižek, "Pour défendre les causes perdues", III "Malaise dans la nature". pp 360-363.

Antoine a dit…

En ce moment, le Rouge rit. Ou pas.

richard escot a dit…

CDS, un auteur que tu cites souvent, d'ailleurs, sur ton blog, me semble-t-il...

cds a dit…

Oui. Je tiens ce philosophe slovène pour le penseur le plus en pointe de notre époque, le plus formidable lecteur qui soit.
Dans la lignée de Lacan, Deleuze…)
Je l'ai rencontré une fois à la rue d'Ulm, il y donnait une conférence, invité par Alain Badiou.
Son humilité et sa gentillesse sont à la hauteur de sa clairvoyance, des signes qui ne trompent pas ! :)

richard escot a dit…

J'ai en mémoire une demi-douzaine de formidables posts sur ce philosophe éclairant (pléonasme)... Quel livre (traduit en Français) se procurer pour la découvrir ?

cds a dit…

Ça fait plus de dix ans que je le le lis, j'ai commencé en 1990 par sa thèse doctorale, autrement dit par la face nord des Grandes Jorasses — mais je crois que pour commencer, pour un premier contact avec sa pensée, Bienvenue dans le désert du réel c'est bien… ;)

Bonne soirée Ritchie !

richard escot a dit…

Alors je vais m'acheter derechef "bienvenue dans le désert du réel", de Slavoj Zizek. Un titre qui sonne tellement bien dans l'éther d'aujourd'hui ;-)