Tandis que les quatre-vingt dix ans de Denis Lalanne sont fêtés au Château de Brindos par quinze capitaine du XV de France et un de tennis, notre ami Christophe Schaeffer prépare le premier salon Rugbyphilo à Tarbes, en compagnie de Jean Trillo, Patrice Lagisquet, Michel Crauste, Jean-Pierre Garuet et Sophie Surrullo.
«Qu'avons-nous à apprendre d'un sport qui revendique une altérité première dans la construction du jeu ?» Vaste thème abordé au théâtre Les Nouveautés, à Tarbes, à partir de 11h30, samedi, dans le cadre de l'association «Reliance en Bigorre» qui, comme son nom l'indique, tisse du lien. En ces temps de rebonds troublés, Christophe ne manquera pas de pistes à descendre et de chemins à emprunter, une fois aux pieds des Pyrénées.
L'altérité, vérité première qui tend à disparaitre au profit des considérations personnelles, comme le bien commun est effacé petit à petit par l'intérêt particulier. Il ne faut rien lâcher, rien oublier, rien négliger de ce qui fait ce sport ovale. «L'autre, ce moi qui n'est pas moi», lance Christophe et autour de lui des coéquipiers placés en profondeur. Bonnes rencontres, ami.
33 commentaires:
Bonjour à tous,
Merci Ritchie pour la passe sur un pas... Tout juste arrivé à Tarbes, un thé (trop tôt pour l'apéro) en présence des organisateurs de Tarbes en Philo, Rose-Marie Chevalier et Pierre Belmas. Demain matin, conférence de Luc Ferry à 9h30 puis je prends le relai avec les chevaliers de la table ovale : Crauste - Lagisquet - Trillo - Garuet. Ça va piquer du bulbe... Si vous avez une question à leur poser en rapport à la thématique sartrienne : "L'autre, ce moi qui n'est pas moi". J'attends vos suggestions mes ami(e)s, je transmettrai...
Bonjour, c'est passionnant ce thème ! Alors justement comment font-ils les rugbymens pour s'oublier au profit de l'équipe, de l'autre ? Et d'ailleurs s'agit-il d'oubli de soi ou est-ce
plutôt une identification parfaite à l'autre ? Enfin en quoi les autres joueurs m'aident-ils/ contribuent-ils à mieux me connaître ? Bon courage Christophe !
Merci Sylvie... C'est bien une table ovale interactive ! Réponse demain...
Sans les autres, un joueur de rugby n'est rien. Mais comment les autres deviennent-ils l'Autre ? Comment le moi d'un joueur constitue-t-il le passage du pluriel au singulier ?
Amitiés
et surtout un grand salut amical à Jean, Patrice et Jean-Pierre. Que je connais mieux que Michel.
Oui. Sans les autres, un joueur de rugby n'est rien. Vrai Ritchie. Eric Champ l'exprimait ainsi. Autrement dit, l'autre - mon coéquipier - attend autant de moi que j'en attends de lui. Une responsabilité ? Lévinas disait : "Le moi, devant autrui, est infiniment responsable". Je n'ai pas le choix : je dois répondre présent, malgré moi. Que signifie cette responsabilité ? Un altruisme, comme l'ouverture du moi au profit d'autrui ? Ah le rugby et l'ouverture... Je viens de passer la soirée avec l'équipe de Tarbes en philo. Y a pas à dire, là où il y a le rugby, il y a des personnes qu'on aime. Putain de sport ! Il vous remet à chaque fois le coeur à l'endroit. Levée demain 8h pour le grand saut... Je transmets ton salut Richard. Bise.
Et moi je viens de voir Montpellier vs brive
Triste rugby
Montpellier additionne les talents pour essayer de construire une équipe sans garanties si ce n'est de disputer à termes à curie cup
Brive quand il n'a pas la sève de son public et le sel de sa terre perd une partie de son ale et donc de sa force
Le tout sous la pluie qui nivelle les valeurs
J'ai connu de meilleures soirées
La tienne christophe de soirée doit être enviable
Bonne table ovale
Tu nous raconteras hein ?
Ça y est, j'y suis. Le théâtre des nouveautés à Tarbes, magnifique théâtre à l'italienne. Conf. de Ferry à 9h30. La fine équipe arrive à 11h, 178 sélections en EDF à eux 4... J'ai vu le match hier, un peu pluvieux mais il y avait le rayonnant Arnaud Mela à la fin. Pour Sylvie...
La rencontre est lancée. Ca doit surfer sur les cimes.
J'avoue que j'aimerais bien être du côté de Tarbes.
Aussi bien vers Denis Lalanne et ses 15 capitaines + 1 -qui sont-ils, donc? Je m’essaie à une petite liste personnelle, moins Michel Crauste et Jean Trillo, puisqu'ils sont ailleurs, que de cet ailleurs sans doute très réflexif!
Je ne voudrais pas jouer les rabats joie, mais, à la suite du dernier volet de ce rendez vous, consacré à "Lord Jim", au décès de Jim Harrison, donc, je ne peux m'empêcher de signaler celui, tout aussi important en général, et, en particulier, pour moi, à divers titres et pour de multiples raisons que je ne veux pas développer ici et maintenant, je veux parler du décès d'Imre Kertész, prix Nobel, certes, mais surtout, un des derniers représentant de tout un pan de l'histoire de l'humanité. Penchant certainement très et même, sans doute, trop puissant chez moi, mais extrêmement révélateur de la nature et de l'organisation des sociétés humaines globales et, aussi, bien sûr, des plus petites telles notre rugby, ce reflet des joies, des peines du monde.
Expérience, souvenir et distanciation étaient ses trois principes de réflexion, comme le rappelle bien l'article du Monde. Voilà bien de quoi donner du grain à moudre à nos penseurs Tarbais.
AB
Belles rencontres à toi cher Christophe...L'autre, au rugby comme ailleurs, c'est l'enfer...quand il n'est plus là.
Merci Christophe ; oui Arnaud Méla rayonnant malgré la pluie et ce pauvre match ! C'est cette gnaque indomptable que j'admire chez lui ; jamais battu, jamais abattu ...
Oui,Sylvie, et puis cette gueule qu'il a...Une figure de western( à la Anthony Mann, hein Seb) au crépuscule, je trouve...
Bon maintenant on attend le feed-back de Christophe...
Comment vous dire ? Comme à chaque fois, on prend une leçon de vie. Quand le Mongol prend la parole ou Jean Trillo, on se tait et on écoute en se disant qu'on a de la chance d'être là. En fait avec eux, je me retrouve au temps des philosophes, de Socrate, de Platon. C'est beau, simple et vrai. Tout le reste, c'est du réchauffé, du superflu. Ce qui m'a fait le plus plaisir, c'est ce qu'une dame dans le public a dit à la fin : "je ne connaissais pas le rugby mais j'ai découvert ce jeu et je n'ai jamais pris autant de plaisir à écouter de la philosophie." Tout est dit, non ? Pour le déjeuner, j'ai préféré délaisser ma place à côté de Luc Ferry pour aller ferailler un peu rugby toujours et encore : à ma gauche la Garuche, en face Lagisque et à ma droite Janneau Trillo. Je me suis régalé... De retour sur Paris maintenant. Merci les ami(e)s de votre suivi et vos petits mots. À très bientôt chez Sylvie ! Bise
J'avais envoyé un petit texte, un peu "travaillé". Il s'est perdu dans les limbes de l'informatique. Tant pis.
Je résume donc mon propos:
1- qui sont les 15 capitaines +1 pour l'anniversaire de Denis Lalanne (moins, bien sûr, Michel Crauste et Jean Trillo, ailleurs)?
2- Je signalais le décès d'Imre Kertész et le mettais un petit peu en parallèle avec celui de Jim Harrison...D'autres mondes...Peut-être plus sombres...
Avec toutes mes amitiés...En souhaitant qu'elles arrivent, cette fois, jusqu'à vous.
AB
J'ai trouvé, pour Denis Lalanne...Et vu les photos, sur lesquelles j'ai pu noter la présence de Lagisquet, Garuet, participants de l'autre évènement.
AB
Christophe, Socrate en troisième-ligne, Platon au centre... Quelle composition ! Il nous tarde de t'entendre en parler.
André, les XV capitaines ? Rives, Blanco, Berbizier, Roumat, Mias, Darrouy, Yachvili, Celaya, Dintrans, Dauga, Dourthe, W. Spanghero, Bastiat, P. Lacroix et M. Barrau. Plus Yannick Noah, denis couvrant aussi le tennis.
Si je tiens jusque là (on dira 70 ans, ça suffira), je pense que Benazzi, Blanco, Thion, Dintrans, Galthié, Harinordqouy, Ibanez, Pelous, Rives, Saint-André, Sella, Tordo, Roumat, Szarzewski et Yachvili ne seront pas loin. Sait-on jamais...
Et mon ami John Rutherford, from Selkirk...
Et j'aimerais bien aussi compter sur Accoceberry, Aguirre, Badin, Biachi, Califano, Castaignède, Champ, Cleda, Charvet, Codorniou, Maso, Janeczek, Dominici, Duboisset, Etcheto, Fickou, Travers, Viars, Mesnel, Charvet, Bonneval, Hueber, Hyardet, Lamaison, Landfreau, Maset, Nadal. Voilà, vous savez tout...
Houlala, çà sent le bon whisky...!
Et puis bien sûr, dans l'état où nous serons dans quinze ans, les fidèles de la Comme Fou.
Et mon ami Jean-Baptiste Lafond, je suppose...
S'il apporte du vin... ;-)
Vous trouverez sur mon autre blog, "côté ouvert", dont le lien est ci-contre, le compte-rendu circonstancié de cette journée philorugby à Tarbes. Merci Christophe pour la passe en profondeur.
Pourquoi, il est radin?
Merci Ritchie pour la reliance...
Restons liés, disait le bon docteur Simon.
Christophe, laisse-nous ta conclusion ici même. On aimerait en savoir plus, ,partager davantage. Te lire en grand, balle à l'aile, au large... Let's play so.
Après quelques jours où la table ovale tarbaise (faite sur mesure, messieurs dames !) s’est retrouvée certainement au placard en attendant la prochaine édition, que reste-il de cette journée du 2 avril, laquelle, à un jour près, aurait pu se jumeler avec un poisson d’avril ? Que nenni… philosophie et rugby, ce n’est pas une blague ! Le lien est si fort, si évident. Oui, Ritchie : Socrate en 8, et Platon à la mêlée ! Une 89 pour un côté fermé qui propose bien des ouvertures pour le je(u) et le vivre ensemble.
Dans cette histoire, je fus en quelque sorte l’arbitre - soucieux que la partie se déroule dans les règles de l’art - et un entraineur attentif à ce que les uns et les autres puissent exprimer au mieux leur potentiel. Après la conférence de Luc Ferry, j’ai donc pris place sur la scène, impatient de donner le coup d’envoi. Venant de Bordeaux en voiture, Jean Trillo manquait à l’appel. Réticent au GPS, lequel indiquait une route pour se rendre au théâtre, il avait décidé - l'effronté - de ne pas suivre ce conseil pourtant bien avisé. Jean finit finalement par débarquer au théâtre avec quinze minutes de retard sur l’horaire. Je venais de terminer le menu philosophique et la présentation des invités. Il monta sur scène et là, fantastique, au lieu de s’assoir pour se faire discret, il fit la bise à ses trois camarades de classe mondiale devant un parterre de 200 personnes. Dans l’ordre : Lagisque, la Garuche et le Mongol. Tous trois se levèrent spontanément afin de donner l’accolade. Pas besoin de GPS pour se retrouver… L’équipe était dorénavant au complet sous les yeux souriants de Sophie Surrullo et Jean-Louis Toulouze. Sans le vouloir, le débat était déjà lancé : l’autre, c’est d’abord celui pour qui je prends le temps… (à suivre)
Puis la table ovale prit son envol, passant de main en main. Il n'a pas fallu attendre longtemps pour que les mots atteignent l’embut du sujet du jour. Le premier à prendre la parole fut Michel Crauste, impeccable comme toujours, l’homme de coeur et d’acier a son franc-parler et sait dire les choses avec cette droiture qui le caractérise. Le public le sentit et, en signe de reconnaissance, applaudit énergiquement après son intervention. Puis, j’enchainai avec Jean Trillo. Sa vitesse d’esprit et son intelligence me saisirent. Au fond de moi, je me disais : « C’est gagné. Ces mecs-là sont des géants ! » Je savais que l’équilibre était cependant à trouver. Quid sur La Garuche et Lagisque ? A priori moins loquaces, mon préjugé explosa à la retombée du ballon. Notre pilier de légende embarqua avec lui le public pour nous parler de solidarité, du copain, de l’amour. Je voyais sur son front la sueur qui commençait à perler comme pour dire que le Jean-Pierre, ça y est, il est à température ! Je sentais d’ailleurs que l’atmosphère était de plus en plus chaleureuse autour de la table et dans la salle. Puis ce fut le tour de son coéquipier de 1987, l’interrogeant sur la question de la différence, du souci de l’autre. Je m’attendais à quelques mots. En aparté, juste avant, il m’avait dit que lui et la philo, ça faisait deux. Il avait passé son temps à sécher les cours en terminale. Quand je lui avais répondu que c’était pareil moi, il m’avait regardé un peu étonné… Inarrêtable ! Durant la table ovale, Lagisque prit la parole en débordement. D’une façon aussi fine et crocheteuse que ses courses, il se livra à de grandes envolées sur l’individu par rapport au collectif. Du grand art. De mon côté, il n’y avait plus qu’à faire jouer la partie, en laissant ces espaces créés comme autant d’invitations à s’y engouffrer et en sifflant quelques pénalités pour hors-jeu (très rarement).
Evidemment, ce que je craignais arriva. Le manque de temps ! C’était déjà le moment de conclure après 1h30 de rencontre à 7, là où il aurait fallu le double. Je devais moi aussi respecter la règle… (suite)
Après quelques dédicaces pour les uns, et apéro pour les autres, nous avons pu heureusement nous retrouver dans un charmant petit restaurant, à quelques centaines de mètres du théâtre. Auprès d’une d’une vingtaine de personnes, Luc Ferry était des nôtres, ainsi que le chaleureux comité d’organisation. Les vins sont arrivés à l’heure. Je ne sais pas si le philosophe vedette « a bu son verre comme les autres » car j’étais trop absorbé par la discussion qui se poursuivait à table. En face, Lagisque, à ma gauche la Garuche, à ma droite Janneau Trillo. Pas mal quand même pour un banquet de troisième mi-temps façon Platon (qui jouait le rôle d’Aristophane ?) ! Ce que j’ai mangé, je ne sais plus vraiment mais c’était très joli dans l’assiette. Le plus prolixe fut encore Patrice : il en avait très très gros sur la patate par rapport à la Coupe du monde. Il se livra mais très sobrement… Garuet, quant à lui, se posait des questions sur le fonctionnement de tout ça (LNR, FFR, etc. etc.) et Trillo restait légèrement en retrait au regard de ces passes et impasses. Michel Crauste se trouvait un peu plus loin, à une autre table. Mon seul regret… Car sûre que sa voix se serait portée à la hauteur de la discussion, lui qui connaît ces rouages rugbystiques et humains mieux que personne. Plus intimement, j’échangeais avec Jean Trillo, sur son action sociale qu’il avait engagée par le sport, son envie de faire évoluer les choses par le bon bout. Je découvre quelqu’un de très doux, d’extrêmement fin, et quelque part en souffrance dans un monde en rupture avec sa vision de la vie. Le café arriva aussi vite que la fin de la table ovale. Eh oui, trop vite encore ! Après quelques photos, nous nous sommes quittés. Je restais un temps avec Michel qui attendait une voiture pour le raccompagner à Pau. Après avoir passé tout ce temps auprès de lui, avec l’écriture de ce bouquin sur sa vie et sa carrière, et pour avoir aussi constaté ces derniers temps son affaiblissement physique, j’éprouvais un pincement au coeur. Je lui dis, en lui faisant la bise : « Tu faites ton anniversaire cette année ? » (c’est le 6 juillet, voulant dire : est-ce que tu fais une fête comme chaque année ? ). Il me répond avec une ironie dans la voix qui me glace : « J’espère bien que oui ! » Il ne parlait pas de fête.
Je bredouille quelques mots, souris bêtement et lui dis à très bientôt. J’aime cet homme comme un grand-père...
Voilà, deux heures après, je prenais l’avion pour Paris, avec dans le coeur beaucoup de joie, mais aussi un peu de tristesse. Cette journée passa le temps d’un éclair où je fus ébloui, comme toujours, par les grands de ce jeu qui vous donnent l’impression que vous avez joué dans la même équipe, moi le petit 9 de Fédérale 2. Les grands de ce monde ont le sens inné de la simplicité et de la rencontre. C’était la leçon philosophique du jour et de toujours, non ?
Belle intervention en trois temps, comme au rugby, Christophe. Emouvante aussi. Ah que nous aurions aimé tous être là. Tu y étais pour nous. Jeannot, Le Mongol, Patrice, la Garuche, quelles personnalités ! Ma chance de journaliste est d'avoir pu passer beaucoup de temps avec eux. Je sens bien ta frustration. Alors pour l'année prochaine ?
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