Ainsi suis-je désormais membre du deuxième parti de France, celui des abstentionnistes, des voteurs blancs ou nuls. Nous sommes douze millions. Et n'en suis pas plus fier pour autant, mais je l'avoue sans honte ni remord. C'est mieux que de faire partie des voyeurs. Au fait, avez-vous remarqué ? Pas de concert de klaxons dans les rues à l'annonce de la victoire de Manu. Rien à voir avec 2002 quand les électeurs éclairées étaient sortis par millions pour manifester contre la présence du père Le Pen au second tour.
Macron n'a pas sauvé la République du péril brun-blanc-bouge. Péril car nous parlons désormais de presque onze millions de voix de fachés qui soutiennent le néo-fachisme. Le double de ce qu'avaient obtenus le papa quinze ans plus tôt et la fifille en 2012. Elle devient exponentielle, cette affaire...Nous en arrivons au souci. Si jamais Macron ne parvient pas à répondre aux attentes de la population après dix ans de sarkozo-hollandisme, il faudra se résoudre à voir Marine au pouvoir. Ou pire, Marion. Alors autant lutter maintenant. Et ce n'est pas en déposant un bulletin, non, c'est en s'occupant de politique sur le terrain de la citoyenneté.
Elle le reconnait, la moitié de ceux qui ont voté pour Macron dimanche l'a fait par défaut. Je n'en étais pas. J'en ai eu marre de me faire avoir. Il faut dire que ça a commencé avec Mitterrand en 1988. Puis j'ai cru en Jospin, et enfin en Hollande. Dimanche, j'ai donc décidé que ça suffisait. Election, piège à con : il nous faut (re)trouver une démocratie participative. La politique ne doit plus être confisquée par des professionnels qui ne pensent qu'à se faire réélire et vivre de cette rente qui n'est plus pour eux fibre ni sacerdoce. Marre de cette Ve République de monarques déguisés en costumes sur-mesure. Il est temps de passer à autre chose.
Croyez-le, ce n'est pas en élisant un avatar du néo-libéralisme que nous allons progresser vers davantage de Lumières. J'ai halluciné en découvrant Ségolène Royal, François Bayrou et Gérard Collomb servis sur le plateau à 20h01, dimanche. Sur le coup, j'ai cru que France 2 organisait un vide grenier... A l'évidence, Manu Macron recycle les croutons, les has been de la politique (Valls, Lepage, Cohn-Bendit, Kouchner, Dutreil, Borloo, Arthuis) comme le Dr. Frankenstein donnait vie à un monstre avec des bouts de cadavres.
Nous sommes arrivés au bout d'un système et j'aimerais bien que l'avenir me donne tort. Mais ça n'en prend pas franchement le chemin. De toute façon, on va vite savoir. Dans quatre semaines, Manu 1er disposera-t-il d'une majorité parlementaire pour gouverner à sa guise ? Rien n'est moins sûr. S'il n'en dispose pas, il n'hésitera pas à relancer la loi El-Khomri à grands coups de 49.3. De quoi nous remettre dans la rue. Car s'il y a indéniablement du Bonaparte en Manu, couve Napoléon.
Electeur votant depuis 1977, je milite désormais pour la reconnaissance du vote blanc. J'aime voter. C'est un devoir civique. Imaginez à quel point ça m'a fait mal de ne pas glisser mon bulletin, dimanche. Mais il me fallait rester honnête avec moi-même. Alors je ne me suis pas présenté devant l'urne. J'avais les boules. Vraiment. Mais trop est assez. Si le nouveau président est "ni-ni" (ni droite ni gauche), je le suis aussi (ni Le Pen, vous vous en doutez, mais aussi ni Macron).
Pourquoi le vote blanc ? Parce que si le pourcentage de votes blancs est supérieur à celui des deux candidats qui arrive en tête (ou dépasse 50%), l'élection sera alors annulée et les candidats ne pourront pas se représenter. Renouvellement assuré, donc. Les Grecs, créateur de la démocratie, avaient aussi inventé le tirage au sort des élus pour ne pas qu'ils se sentent pousser du zèle. Sans aller jusque là, déprofessionnalisons la politique. Qu'elle redevienne vraiment citoyenne. Sinon, dans cinq ans, nous la pleurerons.
40 commentaires:
Toujours un peu de mal à lire qu'on met sur le même plan Macron et Le Pen.
J'estime tout à fait normal d'exprimer une opposition à celui qui incarne un social-libéralisme incapable de répondre aux souffrances des laissés pour compte. Mais, désolé, je ne suis pas opposé à Le Pen. Je suis pour la destruction de ce cancer politique et social.
Quant à accuser les politiques, pourquoi pas. Mais les porteurs d'opinions, ceux dont la voix porte, on en dit quoi ? Tout ceux qui se plaignent mais qui, allez c'est pas grave, acceptent les petites fraudes, ferment les yeux sur ce qui les entoure ?
Les loups dans la bergerie, certes, mais les moutons con-sentants ?
Je suis moi-même un mouton de la classe moyenne et je vais certainement me faire tondre. Mais j'attends qu'on me dise en quoi les autres projets politiques ne faisaient pas porter la charge fiscale et sociale sur les classes moyennes ? Et les vieux autour de Macron, oui, c'est pas la joie. Mais à part couper les têtes et imposer des jeunes, ce qu'on n'a pas fait depuis 1789, que faire ? La révolution ? J'attends le mode d'emploi.
Refuser deux candidats n'est pas les mettre sur le même plan, Antoine. En tout cas pas en ce qui me concerne. Sans doute me suis-je mal exprimé mais Le Pen était de toute façon hors-jeu. Restait à savoir si je me retrouvais en Macron. La réponse est non. Marre de voter contre, je veux voter pour.
Quant au FN, c'est Mitterrand et Dumas qui ont tout fait pour lui permettre d'exister, pensant ainsi vider la droite de certaines voix. C'est réussi. Merci Tonton. Là aussi, il y aurait bcp à écrire. Antoine Peillon l'a fait. C'est édifiant.
Avons-nous les moyens, aujourd'hui, de retirer le Front National de la vie politique française ? S'il est possible de voter pour ce parti, onze millions d'électeurs l'ont fait. Il faut analyser leur choix. Et pas le balayer. C'est ce qui m'inquiète dans cette élection. Onze millions de pro-Le Pen. En France. Aujourd'hui. Au XXIe siècle. C'est bien qu'il y a un grave problème et je ne vois pas Macron en passe de la résoudre en récoltant autour de lui les tenants d'une vieille politique qui trouvent là l'occasion de continuer à exister et de foutre le pays en l'air comme ils l'ont fait depuis, allez, disons dix ans pour être gentil.
On ne s'en sortira qu'en refondant la politique. En étant partie prenante et non en votant seulement pour un parti ou un avatar.
Disqualifier Macron pour la seule raison qu'il n'a pas d'existence politique au-delà de quelques années et qu'il n'est pas issu d'un parti me semble quelque peu contradictoire avec la volonté de refonder la politique. Encore une fois, l'utopie d'une table rase est belle mais si l'arrivée de Macron permet de faire arriver de nouvelles têtes (on parle de 50% de novices aux élections), et bien j'accepte qu'il fraye avec de vieux barbons. Avatar que jamais, en quelque sorte.
Dommage, Ritchie, je suis bien déçu ......... et je ne ferais aucun autre commentaire.
Un dernier mot enfin. J'espère que le PS fera vraiment en sorte de balayer en profondeur devant sa porte. Car ce sont aussi ses vieux éléphants qui ont empêché Hamon de connaître un résultat à la hauteur de son engagement (l'un des rares pour ne pas dire le seul à avoir fait une campagne digne, ne cédant pas à la simplification outrancière et voulant présenter la complexité du monde qui nous entoure).
Certains cancers sont si avancés qu'ils en deviennent indestructibles Antoine, et j'en sais quelque chose . Le cancer le Pen dont Richard a montré la carte dans sa chronique précédente, va continuer à progresser : le truc s'est métastasé pour rester dans la métaphore médicale . Il a pris d'autres formes, il se transforme en avançant dans le corps social, des populations jusque là indemnes sont à présent touchées . Rien n'est fait pour enrayer cette progression, et ce n'est pas un bulletin de vote tous les 5 ans et des effets de manche et coups de menton pour se donner bonne conscience qui ont jusqu'à présent pu la stopper .
Face à ce cancer qui nous ronge, M Macron ne me semble pas à la hauteur de la tâche, les gens qui l'entourent ceux qui vont affluer - l'appel du pouvoir est irrésistible- ne m'inspirent aucune confiance . Lui même est un bel article de com', fabriqué, poli à la main façon Ve.
Si j'avais 20 ou 30 ans, je serais sous le charme hélas j'en ai 58 et ça ne passe pas . Pas ressenti d'émotion, seulement entrevu des procédés pour capter l'attention et l'intention de vote .
Je n'ai pas voté Macron, je n'ai pas voté Le Pen, je n'ai pas voté tout court . Mais tous les jours je pense faire davantage pour endiguer le flot qu'une fois tous les 5 ans dans l'isoloir .
Ce combat là se gagne sur le terrain, tous les jours .
Opposer le "terrain" aux "urnes" m'évoque l'opposition entre pays réel et pays légal. Pas franchement le genre de références qui me donne envie d'adhérer.
Je pensais plutôt "rugby" ; en opposant le terrain et le tapis vert par exemple, un certain Antoine a écrit une chronique très intéressante sur ce problème, sa conclusion "On espère que la prochaine saison se déroulera de manière plus sereine et que le tapis vert cessera de prendre le pas sur le terrain où tout devrait, normalement, se régler." je la trouve parfaite pour la situation politique aussi .
Mais je vous taquine ! Non en fait je ne m'encombre guère de références - non sérieux ? Maurras ? moi ? vous voulez rire ! - j'essaie d'être pragmatique et réconcilier les deux ( 4 peut être ? ) France au bord de l'explosion, c'est ma réalité quotidienne . Jeunes issus de l'immigration Vs petits blancs des cités ; un même territoire, deux façons de vivre et le lycée comme terrain de jeu et d'affrontement . Faire en sorte qu'ils s'acceptent puis qu'ils collaborent c'est mon défi . ( euh "collaborer" je précise à toutes fins utiles que ce n'est pas une référence ! )
D'autre part je ne recherche pas d'adhésion j'essaie juste d'échanger des idées, et non des systèmes d'idées ... un peu comme Borloo ou Macron ... ah zut serais-je donc Macroniste sans le savoir ? Amitiés .
Je ne vous prétends pas maurrassienne. Quoi que rustique, je sais rester courtois. Quant à faire un parallèle avec ma chronique sur le rugby, je trouve ça audacieux (terme macronien...oups). En revanche je crois qu'il faut se garder d'un discours opposant l'expression même de la démocratie représentative et l'action sur le terrain.
Mais pourtant l'action sur le terrain et son succès ou son insuccès vont bien susciter une certaine réponse démocratique non ? Je ne les oppose pas - enfin en tout cas je n'ai pas eu l'impression de le faire- je pense que l'un ne va pas sans l'autre ; qu'il devrait y avoir un aller-retour incessant entre les deux . Et que ce qu'il s'est passé aux présidentielles par exemple est bien l'expression d'un écart entre la parole politique et l'action sur le terrain . Arriver à régler cet écart, par des ajustements progressifs que certains appellent "réformes" serait selon moi une bonne façon de résoudre nos problèmes . Le seul "verdict des urnes" ne suffit pas s'il n'est pas accompagné par un travail sur le terrain ; ce n'est donc pas les opposer mais dire qu'ils se complètent .
Je pense à Chirac et la fracture sociale, bon diagnostic, plébiscité par les électeurs et puis quoi ? Aucune action derrière .
Mais expliquez-moi votre point de vue je me suis sans doute mal exprimée .
Chirac a, sur le tard, reconnu n'avoir pas pris la mesure de ce que son score de 2002 impliquait, allant même jusqu'à dire qu'il aurait dû proposer un gouvernement plus ouvert pour prendre en compte les votes de rejet du FN.
C'est peut-être ce que pourrait faire Macron - la pluralité politique de ses (vieux et jeunes) soutiens va dans ce sens. Certes, pour l'instant, il semble attaché à appliquer son programme plutôt libéral.
Mais ses dernières interventions, pourtant, ne me donnent pas l'impression qu'il veuille passer sous silence les fractures sociales qui se sont creusées.
On a longtemps accordé le bénéfice du doute à ses aînés. Là, non seulement ce n'est pas le cas mais il est déjà jugé...
Je reconnais avoir été passablement agacée par ses discours de campagne, ce côté gourou pentecôtiste ... Vous avez raison cher Antoine, on va voir ce qu'il a dans le ventre avant de tirer un trait définitif sur M.Macron !
Merci pour vos réponses et bonne fin de weekend .
Merci beaucoup pour cet échange dont je sors enrichi. Je suis certainement trop optimiste (i.e. un pessimiste qui n'a pas toutes les informations). L'histoire de ces dernières années est de nature à conforter des visions moins positives, je le reconnais...
Bonne soirée :-)
Sylvie, Antoine, Juanito,
l'avenir de notre système politique est bien plus fort que tout. Nous sommes arrivés au bout d'un chemin.
Marre de voter contre. Marre de me faire blouser (je reste poli) depuis 1988. Cette élection c'est l'échec des partis politiques français républicains. Macron n'a pas de parti et Le Pen, n'en parlons pas tellement je suis choqué que 11 millions de Français aient pu mettre un bulletin Le Pen dans l'urne.
Onze millions ! Ca veut dire quoi ? Que nous sommes en danger. Voter pour Macron ne va rien changer : il va continuer la politique de Hollande, un échec. Le pire quinquennat de l'histoire de la Ve République. Une honte pour le socialisme. Et j'ai voté socialiste. Mais là c'est trop.
La France avait à choisir entre Le Pen et Macron et tout est dit : nous sommes les pieds dans le fumier et c'est là qu'il faut chanter. Fort.
Mettre un bulletin dans une urne tous les cinq ans et rien d'autre, laisser les politiciens pros nous mener en bateau, c'est assez !!!
D'accord, Macron construit, il part de rien pour arriver président en un an et demi. Coluche, Yves Montand ou Bernard Tapie auraient pu l'être, eux aussi... Ronald Reagan le fut, Donald Trump l'est bien...
Non, ce qui m'inquiète c'est de voir tous les battus, les déclassés, les qui ont merdé, revenir en force à ses côtés, trop heureux de continuer à profiter du système qui les a rejetés.
De voir tout le personnel politique dont personne ne veut plus, et qui va de Fillon à Hamon, saluer comme un seul élu la réussite de Macron, ça me parait trouble.
Macron c'est la poursuite du système, c'est la loi El-Khomri, c'est le 49-3, c'est le néo-libéralisme dont on sait qu'il conduit à la faillite, à la mort de la planète, et à la soumission des électeurs.
Je suis Thoreau, je suis Elysée Reclus, je suis de la Boétie, je ne veux pas me soumettre à la "bien pensée".
J'ai peut être perdu des amis en postant cette chronique, en avouant que je n'ai pas voté, mais je n'ai pas voulu subir les pressions des medias (même le présentateur du journal du hard sur Canal Plus enjoignait ses téléspectateurs à voter), les pressions de tous. Je ne voulais pas de Le Pen (ce qui me connaissent le savent) mais je ne voulais pas voter pour Macron non plus. C'est mon droit de citoyen que de dire : "Assez". C'était mon burn out politique. Et nous sommes douze millions dans ce cas. J'aurai pu voter blanc ou nul et dire, faux cul, je n'ai pas volté Le Pen. Non. J'assume.
Il nous faut repenser la politique. Faire preuve de pensée critique. Car bientôt il n'y aura même plus de choix.
Je vous propose la lecture du dernier livre d'Antoine Peillon.
"Voter c'est abdiquer"
Lisez le et dites moi ce que vous en pensez
Tout ça me parait bas et petit.
Insomnie, infamie
Faut il jeter la pierre
Ailleurs que dans les cimetières
A ce monde soumis
Triste banalité
D'un esprit alité
Les pieds campés sur le sol
Eternelle clé de sol
Cherchant à donner le la
Avant de planter le nez dans les étoiles
Dernière voie royale
Pour l'au delà
ou aussi :
Fervent transi
L'oeil aguerri
Conjecture maladive
Vers un dessein cardinal
Tu scrutes l'expectative
D'une coda chimérique
D'un idéal subliminal
A cette platitude sociétale
Assez amusant formellement...
Rien de tel qu'un peu de temps pour nourrir la réflexion. Et la pensée.
Tout d'abord, un grand merci à tous ceux qui, ici, m'ont permis de la nourrir, cette pensée, avec leurs points de vue, leur érudition et leur culture. Voici donc mon point de vue, avec quelques images du monde :
La première image qui m'apparaît, c'est celle de Barack Obama écumant le territoire américain lors de sa première campagne présidentielle, en 2008, insistant sur l'écoute, la remontée des desiderata, de la base vers l'élite. Et ensuite de l'écouter, lui, distiller les mots justes, EN FONCTION de son auditoire. Les techniques (modernes) de ralliement, de rassemblement utilisés par Obama l'ont été par l'équipe Macron. On les distingue un peu dans le documentaire hagiographique de Yann L'Hénoret, mais j'en ai surtout eu la confirmation auprès de personnes ralliées à Macron dès la fin 2016 (comme beaucoup de ses suiveurs) que j'ai pu interroger.
La deuxième image, c'est celle de ces 11 millions de "fâchés" qui, quelles qu'en soient les raisons, en guise de solution, n'ont rien trouvé de mieux que de glisser un bulletin Marine Le Pen dans l'urne. D'autres "fâchés" ont préféré s'abstenir, voter blanc ou nul. D'éminents analystes politiques en ont même déclamé qu'ils représentaient le deuxième parti de France (non pas avec 12 millions de voix mais 16 en additionnant les votes abstentionnistes, nuls et blancs). C'est un peu vite oublier que la majorité des abstentionnistes ne l'ont pas fait par souci de protestation, mais parce qu'ils le font toujours (cf le taux moyen d'abstention lors de chaque élection, présidentielle ou non).
Quoi qu'il en soit, pour que l'expression d'un vote protestataire, pour les fâchés de tous bords, soit vraiment efficace, la comptabilisation du vote blanc est LA solution, amendée de conséquences pour les battus par ledit vote blanc. A cet égard, je suis ravi de voir que ma proposition ait convaincu Ritchie au point qu'il la reprenne dans son programme :-)
Enfin, ce matin, en écoutant la radio, j'apprends que les candidats d'En Marche pour les législatives, ceux dont la politique n'est pas le métier - et ils devraient être nombreux -, vont suivre une "formation" accélérée afin de les préparer à la campagne. Parmi ces éléments de formation, un module sur "comment emprunter de l'argent à son banquier pour financer sa campagne". Tout est dit dans cet intitulé. Le FN a fait de ce "module" le centre même de son propre financement en se substituant aux banques (il fournit lui-même les kits de campagne à ses candidats investis, en sur-facturant ses prestations, et se retrouve avec un trésor de guerre pompé sur les finances publiques car la majorité de ces fonds de campagnes sont remboursés aux candidats, car ils dépassent les 5 ou 10% de suffrages requis). En Marche va donc utiliser les mêmes recettes, peut-être pas à l'identique, mais cela prouve surtout que le système est roi, aussi louables soient les intentions.
Cela nous ramène donc au système et à son chamboulement, que tout le monde appelle de ses voeux. Même du temps de la Grèce antique, ce système était dévoyé pour permettre aux plus puissants d'avoir le dernier mot. La démocratie exercée était alors participative car tous les débats se faisaient "à la criée". Mais les failles du système sont inhérentes au dit système. Si vous réussissez à convaincre une majorité de gens que votre vision des choses est meilleure que celle de vos adversaires, vous gagnez. Même si ladite vision est archaïque, inefficace, réactionnaire, voire pire, révolutionnaire !
C'est ainsi que l'Histoire de notre civilisation trois fois millénaire est emplie d'exemples d'autocrates démocratiquement élus. Ainsi que de révolutions qui ont, heureusement, changé certaines choses.
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Alors, que fait-on? On prépare la révolution, au risque d'une guerre civile qui ne manque pas de poindre étant donné le clivage alimenté par ces pyromanes professionnels de politiciens non moins professionnels ? Si ma petite expérience de la question peut servir à quelque chose, autant vous la faire partager. Et la réponse à cette question est : NON, par pitié, NON!
Certains parmi vous savent d'où je viens. Pour les autres, je suis né dans un pays par delà la Méditerranée qui avait tous les semblants de l'harmonie. Un pays qui avait inscrit cette diversité dans sa constitution, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, et qui vivotait sur ses acquis jusqu'à ce que la géopolitique régionale et la balance démographique locale ne se liguent contre lui. En résulta le tourbillon d'une guerre civile dans lequel tout le monde fut pris. Un jeu de société où la société est perdante à tous les coups. Un "monopoly" à ciel ouvert... ouvert à tous, de 7 à 77 ans, votre serviteur compris. Un jeu où tu commence par affronter ton ennemi qui te renie le droit à la vie, et où tu finis par te débarrasser (j'ai bien conscience que le mot est faible) de ton voisin, ton ami, ton cousin parce qu'ils ne partagent pas tes idées politiques. Une société où, 40 ans après, les mêmes sont toujours au pouvoir. Une société où l'absurde a pris le pas sur le réel. Où la célérité de la saillie verbale a pris le dessus sur la profondeur de la réflexion.
Toute ressemblance avec des événements récents n'est évidemment pas fortuite ni accidentelle.
Alors, oui, mes amis, soyez fâchés. Soyez calculateurs, protestataires, critiques ou engagés. Mais par pitié, ne cédez pas aux sirènes de la colère, qui est toujours mauvaise conseillère.
Avant-hier soir, à la suite d'une bisbille comme il peut y en avoir dans les fratries, mon fils de 10 ans a mis un taquet à sa petite soeur de 8 ans (l'histoire ne retiendra pas qu'elle l'avait peut-être mérité, mais passons). De véhémentes admonestations de la part de ses deux parents en ont suivi. Une fois la tension retombée, et au moment de se mettre au lit, j'ai vu poindre quelques larmes sur le coin de son oeil, son regard perdu dans le vide d'une profonde réflexion. Avant de lui faire le bisou rituel, je lui demande pourquoi il pleure. Il me répond :"chui nul". Je lui demande "Pourquoi?". "Parce que je n'ai pas réussi à contrôler ma colère" me répond-il. Je le réconforte en lui expliquant qu'il n'est pas nul lorsqu'il n'arrive pas à contrôler sa colère. Juste humain. Que cela fait partie de son apprentissage et qu'avec le temps, il réussira à ne plus utiliser la violence pour répondre à sa colère. Qu'il arrivera à mieux la canaliser, pour se servir de son énergie envahissante afin de trouver une solution intelligente à son problème, celui qui a causé sa colère.
La colère de Ritchie est la même que la mienne. Que la nôtre. La même que celle de beaucoup de "fâchés", ceux qui ont voté pour Le Pen, comme ceux qui ont choisi Macron, quelles qu'en soient leurs raisons. Notre mission, aujourd'hui que la menace de la peste brune est momentanément écartée (et pour l'écarter, il faut voter), est d'utiliser cette énergie pour proposer des solutions intelligentes. Pas forcément des solutions qui vont régler les problèmes économiques ou sociaux de notre pays. Mais des solutions, comme la comptabilisation du vote blanc, qui permettront aux "fâchés" en tous genres de ne plus être tentés par des choix qui n'en sont pas.
Ah là, le Tigre, j'attends tes réponses. Zarma est en mode interrogatif et c'est une deuxième couche passionnante. Alors, Nemer ? T'en dis quoi ?
Cher Zarma,
Je vais tenter de répondre point par point à tes interrogations.
Tout d'abord, je ne me "révolutionne pas moi-même dans mon jugement de la fin d'un post au début de l'autre", simplement parce que ces deux posts ne font qu'un, une seule et même déclinaison de ma pensée, qui déambule au gré des postulats, observations, analyses et autres rappels historiques. Le partage en deux de cette pensée n'est dû qu'aux limites techniques de ce blog, qui ne permet pas de dépasser 4096 signes par post. Ce qui n'avantage pas la fluidité de la compréhension de ladite pensée, je te l'accorde.
Nonobstant, je rebondis sur ton troisième point (et je reviendrai sur le deuxième ensuite) : l'évocation d'une solution "révolutionnaire" est le fruit d'une discussion téléphonique récente avec l'hôte de ces lieux qui appelait de ses voeux cette levée d'armes pour éradiquer le mal. Les rappels historiques que tu fais - la Terreur, l'Empire, la Guerre d'Algérie ou la Colonisation - viennent compléter mes propos précédents sur l'horreur que constituerait une telle "solution", à la limite d'être finale (et nous avons atteint le point Godwin). Je te rejoins donc : procéder par élimination ne règle pas le problème. Mais à contrario, si par "élimination" tu entends "grâce à la comptabilisation des votes blancs et nuls, se débarrasser des professionnels de la politique qui dévoient le sacerdoce qui leur est confié par le peuple", alors oui, on procède par éliminations en couches successives (car cela demandera du temps), au risque de provoquer la "chienlit" tant redoutée par les adorateurs du Général. Pourquoi? Parce que, comme ne manquera pas de te le rappeler notre Ritchie national, "Ordo ab Chaos".
CQFD? Pas tout à fait. Car encore faut-il persuader les tenants d'une telle ligne de continuer à respecter le processus démocratique, malgré les tentations autocratiques qui ne manqueront pas de vouloir s'imposer. Pour en revenir à des exemples plus récents et proches de nous, en Belgique ou au Liban, la machine administrative a continué à faire tourner le pays malgré l'absence de gouvernement plusieurs mois durant. Comme quoi, les règles institutionnelles réfléchies ont parfois du bon.
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Ce qui nous amène à notre dernier point - ton deuxième : comme je l'ai expliqué dans une précédente chronique de notre ami Ritchie, le code électoral ne peut être amendé que par la loi. L’article 39 de la Constitution confie l’initiative des lois concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. Cette initiative prend la forme d’un projet de loi lorsqu’elle est exercée par le Premier ministre, d’une proposition de loi lorsqu’elle émane d’un membre du Parlement, député ou sénateur. La question est donc, qui pouvons-nous convaincre, nous citoyens lambda, d'inscrire à l'ordre du jour du parlement un tel projet ou une telle proposition de loi ? La réponse est plutôt simple : Un député ou un sénateur peut à tout moment déposer une proposition de loi nouvelle sur le Bureau de l’assemblée à laquelle il appartient, l'étape suivante étant son adoption en première lecture. La concomitance des législatives est, certes, une bonne chose à cet égard, mais les délais me semblent courts pour exercer une pression ou un quelconque lobby efficace sur les investis en tous genres. Mais depuis quand l'adversité nous empêche-t-elle d'essayer? Investis par leurs partis, mais pas encore par leurs administrés, c'est l'occasion idéale de faire acte de citoyenneté en confiant à nos futurs représentants une mission simple : proposer, puis faire voter cette loi. La prochaine étape serait donc de se compter - par le moyen d'une pétition ? - afin de déterminer de la faisabilité d'une telle initiative. Ensuite, de rédiger ladite loi. Enfin, de la confier à tous nos représentants ou futurs représentants au parlement.
De plus, j'apprends ce matin à la radio que notre nouveau président souhaite « mettre fin à l'hypocrisie entourant le statut de première dame » et qu'il désire inscrire dans la loi ledit statut, avec les privilèges et le budget attenants. L'ouverture est donc trop belle pour ne pas en profiter.
Pour conclure, je comprends que mon analogie paternelle dans mon post précédent ait pu te faire croire le contraire, mais comme tu peux le constater, rien dans cette pensée ne fait référence à une gestion de "bon père de famille". Tout juste essayons-nous de faire bouger les lignes...
Bien écrit, bien lu, le Tigre.
En ce qui concerne les Anciens, il s'agit de "ordo ab chao". Reconstruire sa pensée après avoir été déconditionné.
Je constate donc, avec délectation, que nous sommes d'accord sur tout.
Pour ce qui est de mon rapport à la dialectique, je le cultive en effet pour faire opposition aux rhétoriciens de tous bords. Mon côté rationaliste, certainement, sans toutefois de boulet dogmatique.
Quant à m'investir, je préfère prendre les devants et le faire en faveur de l'avenir, en essayant de transmettre à nos enfants les leçons que la vie m'a apprises. Je sors juste d'un TAP (Travaux d'Activités Périscolaires) durant lequel, 3 heures durant, j'ai tenté de faire découvrir à des CP et des CM2 les joies et autres vicissitudes de la culture anglaise. On est loin de Stétié ou de Massignon, mais ça permet de s'aérer l'esprit.
Zarma, le Tigre, je vois que vous vous êtes bien trouvés...
Bonsoir,
Il va peut être falloir transformer ce titre -excellent au demeurant - et passer de Macronmégas à Macronmidas .
Je l'avoue je suis ébahie - l'adjectif pittoresque anglais "flabbergasted" me semble plus approprié - oui époustouflée par cette 1ère semaine Macronique . J'y suis pourtant allée du bout de l'orteil mais j'avais promis à Antoine donc ...
Donc journée du Couronnement au son de Mozart, Brahms , Offenbach et Saint Saens ; très bien, les discours toujours un, deux voire trois degrés au dessus des autres orateurs, l'allure, ou plutôt les allures, lente puis rapide toujours variées en tout cas . C'était long pourtant on ne s'ennuyait pas ; la reine était charmante, discrète et souriante, les courtisans faisaient leur cour, les plantons plantonnaient .
Le lendemain elle était (toujours) souriante la reine, le roi tenait conseil et désignait son Grand Chambellan ; et là les choses sérieuses ont commencé .
Philippe pouvait commencer sa macédoine : un tiers de gauche, un gros tiers de centre, un petit tiers de droite et un dernier tiers de société civile . Quoi ? J'ai fait 4 tiers ? Mais enfin on fait le Nouveau Monde ou bien ?
On a tout mis dans le shaker et on va bien agiter ; le goût ? Celui de l'Univers : un goût de rhum et de framboise ...
Bon je ne sais pas trop où on va mais à regarder autour de moi, à écouter les commentaires des copains, amis, alliés, famille etc on dirait bien qu'il a gagné le 1er round . Chapeau l'artiste !
Surtout il s'y entend bien à piéger le chemin des partis vers les prochaines élections législatives. Trop fort. Le roi du cocktail, Manu. Allez, va, j'en prendrais bien un autre, bien frappé. Franchement aucun intérêt puisque dans un mois c'est terminé, une autre équipe sera alignée. Ou alors c'est le roi des prestidigitateurs. Mais ça n'a pas grand chose à voir avec de la politique. C'est du bonneteau. Cela dit, c'est marrant, on dirait une série télé.
Curieusement il m'intéresse davantage, on revient vers le concept de Juppé sur l'identité heureuse, bien sûr il était trop âgé pour porter le projet mais ce Macron quand il arrête de jouer à l'agité du bocal, quand il laisse tomber les postures de gourou inspiré ... il y a quelque chose .
Tu vois je mange mon chapeau mais comme il a bon goût ...
"Il y a quelque chose..."
Oui mais quoi ?
Ritchie rappelait il y a peu la phrase de Lampedusa "il faut que tout change pour que rien ne change", mais là, c'est un peu "rien ne change et pourtant l'impression est que tout change".
L'arbre Hulot (et ses épigones) ne masquera pas longtemps la forêt des postes-clés à l'économie et au travail où manifestement on ne prévoit pas de faire dans la dentelle.
Bah tant qu'on reste dans l'échange ... A vrai dire, je trouve que l'air est plus léger, après cette campagne étouffante, ça discute partout, comme un Mai 68 sans les cris ...
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