jeudi 21 septembre 2017

Rater mieux

Les longues absences forgent le désir. Après quelques mois sans passer à table, la Comme Fou était réunie rue Princesse pour un quarantième Crazy Ruck même si quand on aime il n'est plus utile de compter. Il s'agissait aussi de fêter en décalage (autour du "Silence" et du "Whisky du monde" : merci à vous, Seb et Antoine) l'anniversaire de Ritchie. Une bonne année puisqu'elle nous fait revenir à la première tournée du XV de France en Afrique du Sud. Alors j'ai mis la mienne, pétillante.

Pétiller. Voilà bien le verbe idoine qui résume nos agapes germanopratines. Ce regroupement de fous vibrants n'a pas manqué, effectivement, de crépiter au feu roulant des jets de mots quand il s'est agi d'évoquer les maux du rugby avec assez de profondeur et d'auteurs pour ne pas sombrer dans la morosité ambiante. Il fut question du prochain Flair Play que nous attendons tous avec une impatience non dissimulée tant le sommaire est alléchant d'autant qu'une partie de la rédaction faisait comité ce midi.

Nemer, Benoit, Antoine, Ritchie, Seb et Vincent, comme aux dés, sortirent le six gagnant, imbattable, partie prolongée comme il se doit jusqu'à l'heure des cigares et presque de l'apéritif. Vous raconter ce qui s'est dit est absolument impossible, désolé pour les absents... Un aphorisme chassait une anecdote, un coup de gueule enchaînait un coup de cœur, quelques saillies ici, des plats qui repassent par là. Bref, la Comme Fou à son meilleur sous un soleil encore estival.

Nous avons surtout élu un entraîneur pour cette nouvelle saison. Il s'agit d'un Irlandais. Qui a signé à Paris. La méthode de Samuel Beckett est tout simplement géniale. Elle condense parfaitement l'esprit qui nous anime. Il est possible de la ramasser en quelques mots et c'est bien ce qui nous fascine et nous anime. Les All Blacks auraient pu s'en inspirer. Nous la suivrons, donc :  "Essayer. rater. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux."

14 commentaires:

Unknown a dit…

En tout cas nous n'avons pas raté ce crazy ruck !
Et vivement le prochain. Adole et à Paris ? Vive l'ubiquité ovale 😊

André Boeuf a dit…

Je ressens, connaissant les lieux et les coutumes, le bon moment que vous avez dû passer ensemble. Je regrette ma propre absence; mais ce n'était vraiment pas possible...
En espérant en être à la suivante....Surtout avec l'alléchante perspective de rencontrer Jacky Adole!!!
Jolie photo comme le demande la tradition.
Je me permets de signaler que je viens de lire (ou relire pour certains) trois livres de Karen Blixen:
- "La ferme africaine".
- "Ombres sur la prairie".
- Et "Contes d'hiver".
Tous remarquables et extrêmement éclairants sur le monde d'aujourd'hui....Et même sur le rugby dont elle ne parle pourtant pas.
Avec toutes mes amitiés.

André

richard escot a dit…

Antoine, André,
Adole oui, Blixen aussi. Prochaine fois.

Seb en Ovalie... a dit…

Oui une rentrée pas ratée, une bande de "comme fou" tarée, du saucisson et des réparties à foison, du Beckett en "Fin de partie", une 40ème rugissante portée par le courant continu de l'amitié, qui donne des étincelles à nos bons mots survoltés pour mettre les maux en panne sans sortie de route. Une amitié ovale qui fait toujours de bien quand le monde ne tourne plus rond, une longue route faite de partages, assurément un sacré "Good Time" pour toujours garder la Lumière !

Jacques Labadie (Pipiou, dit aussi Jacquouille) a dit…

Ritchie, ton nouvel entraîneur, ce Beckett, il est vraiment fait pour l'Equipe de France, qui met déjà en oeuvre ses principes: rater, rater encore, et de mieux en mieux. J'ai peur qu'en novembre, ce soit une apothéose...

Pour André: Hemingway disait que "La ferme africaine" était le plus beau livre sur l'Afrique.Je ne sais pas s'il s'y connaissait beaucoup en Afrique (un p'tit peu quand même) mais en matière de littérature, oui.

André Boeuf a dit…

Il connaissait un peu je pense....Du moins une certaine Afrique, bien révolue aujourd'hui.
Et il a également dit qu'elle aurait largement mérité le prix Nobel que l'on venait de lui attribuer.

Gariguette a dit…

Le Beckett ça passe quand même mieux en angliche : "Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better."D'abord parce que les syllabes sont courtes et sèches comme les commandements de mêlée, ensuite ça fait des groupes de 2 mots seulement, bien ça l'économie ... Il paraît que ça inspire beaucoup les sportifs et les businessmen, mais au fait y-a-t-il encore une différence entre les deux catégories ? http://next.liberation.fr/culture-next/2017/02/14/echoue-encore-echoue-mieux-comment-beckett-inspire-les-sportifs-et-businessmen_1548442

richard escot a dit…

Bien vu, Sylvie. Comme d'hab. Well done, sorry.

Michel Prieu a dit…

En ergonomie et écologie humaine il me fut enseigné un jour d'apprendre de l'essai-erreur. Après l'avoir longuement pratiqué, cela fait comprendre où est sa responsabilité. Parfois nous l'avons trop galvaudée, la peur d'essayer en pensant que l'on va tomber. Mais quel plaisir de tout faire pour se relever...Belle équipe Richie!

Gariguette a dit…

Bonjour, je viens de voir "Dans les forêts de Sibérie" avec beaucoup de plaisir, une sorte de "Revenant" calme . J'aime bien l'acteur Raphael Personnaz, j'aime entendre parler russe- que je ne comprends pas mais j'adore cette musicalité - et la Nature est superbe . (Par contre la trompette de Maalouf ça ne va pas du tout avec le lac Baïkal selon moi ! ) J'en parle parce que j'avais oublié le livre, donc je l'ai relu histoire de voir les différences entre les deux . A ma grande surprise je me suis aperçue que je n'aimais pas le narrateur du livre alors que son incarnation - fausse donc - à l'écran me plaît beaucoup . Que les personnages ajoutés dans le scénar sont bons ( notamment le Russe planqué dans la forêt, très Derzou Ouzalien ) . Que tout ce que je retiens du livre c'est les propos sur la cabane dans les bois chère à Thoreau et à Ritchie , ça c'est réussi, avec cigares vodka et livres - très bonne liste de livres dans le roman - . Et que cette même cabane, sa chaleur, ce côté foetal de la chose, est très bien rendu en images . Que tout ce qui est dit sur la solitude et en creux du trop plein du monde qui finit par lasser .... tout cela est fait simplement, avec même parfois une certaine grâce .Bref je passe de l'un à l'autre avec délices . Grande complémentarité ; des différences qui ajoutent à l'oeuvre finalement . C'est troublant .
C'est troublant parce que j'avais été déçue de prime abord par ce journal de bord sibérien, en y revenant quelques années plus tard je vois tout ce que je n'avais pas vu, lu . C'est troublant parce que je m'aperçois aussi -coucou Seb - que le cinéma est parfois supérieur à l'écrit . Supérieur est un peu fort... non, complémentaire . L'en dit quoi le Benoît ? Parce que Brautigan au ciné ça passe ou pas ? Et vous autres des exemples d'expériences similaires ?
PS : pour Ritchie dans les bois, pas vodka ... plutôt whisky ... du bon .
PSbis : disons que j'avais fait un raté à la 1ère lecture et que là j'ai raté ... mieux... ou moins mal réussi ?

richard escot a dit…

Je vais donc laisser Benoit et Seb répondre...
Pour le whisky, ce qui est chiant c'est que le tourbé que j'adore, type Lagavulin, ne va pas bien du tout, mais alors pas du tout, avec le cigare.
J'en suis donc aujourd'hui à cette étape métaphysique.

Jacques Labadie (Pipiou, dit aussi Jacquouille) a dit…

Bah, pour creuser ce problème d'association, le champ des possibles est plutôt large...

Coïncidence, ce que dit Gariguette sur la comparaison livre-film, parce qu'on parlait plus haut de Blixen et de "La ferme africaine", et j'ai toujours trouvé que le film de Sydney Pollack était très fidèle à l'esprit du livre. Ce qui, après tout, est le plus important.

Serge EYNARD "Sergio" a dit…

Vu aussi le film Garriguette, mais pas lu le livre. Faut aller la chercher loin la liberté... sous la glace sibérienne. Quand même une 2e prison pour le russe planqué. Pour celui en quête de paix si c'est pas la prison, plutôt la paix quand même. Mais plutôt aussi parabole genre l'homme libre est un guerrier. Et le soir reste que la vodka à la lueur d'une bougie... de quoi réfléchir sur cette putain de vie. Finalement, la cabane au fond du jardin, ça suffira !
J'ai trouvé aussi un petit rappel à "Danse avec les loups" quand le frenchie retourne en ville acheter des médicaments et qu'ils s'appellent au loin par leurs prénoms... Rapport à Maalouf, petit décalage peut être, mais j'adore ces notes musicales (pas toujours à la trompette d'ailleurs) de "red and black light". Ca m'a pas trop gêné. Hors contexte du film, je trouve un côté hymne. Je vois bien chanter ça ... en quinconces... fin de soirée à 3 grammes whisky & cigare, ôde à l'amitié...
Sinon, va te ballader sur une autre toile, si tu l'as pas vu, "Divine". Caméra d'or Cannes 2016. Question recherche de la paix, plutôt zonzon des cités. Au début , y a une scène pas facile à gérer pour une prof...
Difficile à allier les choses, et dans les goûts quand ça ne va pas, ca ne va pas, c'est physique. Peut être le cigare à la vanille avec le tourbé...

Gariguette a dit…

Tu sais Sergio, la scène "pas facile à gérer pour une prof" pour moi ça c'est piece of cake, l'agressivité et l'attaque je sais faire en face, le plus dur selon moi c'est le silence, la douleur contenue des gamins, avec en corollaire la peur de ne pas dire ce qu'il faudrait ...
Pour en revenir à la Sibérie c'était coton je pense de rendre l'impression de solitude à l'écran, d'ailleurs le scénariste invente un personnage de plus pour animer un peu l'ensemble, - en "vrai" dans le livre il a deux chiens et nourrit des mésanges - Ce qui m'a plu c'est le côté finalement "confortable" de cet ermitage volontaire, on comprend qu'il fait très froid, qu'il a parfois peur, mais c'est largement compensé par la découverte de sa nature profonde, ce plaisir intense de la lecture que l'on saisit sur un regard, un sourire, un plissement des yeux, cette jouissance des lieux, de la glace, des bruits du monde pardon du chant du monde ... Ca pourrait être parfaitement ridicule et ça ne l'est pas . Les monticules de bougies fondues, la fumée des cigares, les verres de vodka vidés : comme des rituels organisant cette solitude voulue et revendiquée . L'autre n'existe plus, c'est alors que le dialogue avec soi- même peut vraiment commencer ...