dimanche 7 février 2021

L'ouvrage à coeur

Page d'accueil, ce blog toujours un peu décalé reçoit ici la prose d'un ami des arts, André Buonomo. Excellent pianiste et lecteur compulsif, cet ancien troisième-ligne aile champion de France avec Béziers en 1972, ancien entraîneur du Creusot, Nîmes, Istres, Nice, Rodez et Trevise, n'a cessé d'entretenir avec le rugby et ses lettres une relation sensible. Après l'avoir côtoyé professionnellement à l'époque où, revenu sur les terres qui l'avaient vu soulever le Bouclier de Brennus, ses causeries d'avant-match exhalaient des pensées profondément humanistes, j'ai gardé avec ce désormais Niçois de riches relations, nos échanges dépassant largement le cadre de la balle ovale. Mais sans jamais s'en éloigner. Ainsi quand il m'a parlé avec des élans passionnés de l'ouvrage nouvellement paru de Serge Collinet, enseignant en éducation physique, entraîneur et ancien ailier du PUC, intitulé « Rugby au cœur » (éditions Passiflore), l'idée de lui confier une chronique pour nous faire partager sa lecture est apparue comme une évidence. La voici. "Je viens de me laisser transporter par la créativité de l’adolescence, véritable madeleine de Proust rugbystique, qui dégage les odeurs enivrantes de la jeunesse dans sa translation de collégiens parisiens devenant une vraie équipe de rugby. Ce groupe hétéroclite est blindé d’une couche de vernis de protection style garçon pas facile mais il dégage ce parfum de l’extrême sensibilité de l’être face à un rugby sans ride et sans concession, confronté à la double mission de faire sa place dans l’établissement et faire bonne figure dans le championnat. Ces nouveaux joueurs exhalent la fraîcheur innocente de leurs premiers amours pour la découverte de ce jeu complexe. Ils râlent pour des passes maladroites, des plaquages manqués, des règles non maîtrisées, une violence pénalisante ou pour respecter le respect. Mais, la moindre réussite dégage l’odeur du bonheur. Les dialogues retranscrits sont parfois dignes d’un Michel Audiard revisité façon langage ado des quartiers. C’est un mix de vibrations, de bouderies, de doutes, mais aussi d’humour, de chansons, de sourires, de rayons. On peut lire : « Certains partent de loin » pour être digne de porter la devise « Esprit d’équipe », mais le coach Simon, notre enseignant, aidé par Léo, capitaine de jeu, et Jérôme, capitaine de vie, les font grandir dans « l’humilité, la discipline et l’ambition ». Voici une vraie leçon de vie, de pédagogie et de management par le loisir. Si l’effort est partout, le plaisir du vivre ensemble anesthésie la douleur de ces efforts, car les virgules expriment ces gouttes de sueur acide magnifiant cette expérience. Au présent déjà passé ou dans le futur présent, ce récit donne l’espoir sans fin de jouer un jour comme les grands ou avec les grands. Pour les meilleurs, fouler le Stade de France comme Wesley... J'ai refermé ce livre avec quelques larmes nostalgiques sur le temps qui passe si vite... Le coach Simon recommande à son équipe, sur le terrain, de « jouer » car « ce n’est pas quand vous aurez cinquante ans que vous jouerez !» Pourtant, il y a encore des âges où l’on joue uniquement en nocturne, sans projecteur mais dans des rêves enchanteurs, là où le ballon ne tombe jamais ou dans des cauchemars insensés, faute de n’avoir achevé l’ouvrage ou d’avoir perdu en route ce même ballon. Au lever, tout suant de ces rencontres imaginaires, la douche méritée est bien solitaire. Les copains ne sont plus là pour refaire le match, glorifier ou engueuler, mais voilà que le jeu reprend déjà dans ma tête. Et c’est le bon moment pour lire de nouveau cet ouvrage chargé d'émotion. Car le rugby, comme la mer, ainsi que l'écrivait Paul Valéry, est « toujours, toujours recommencé… »

3 commentaires:

André Boeuf a dit…

J'ai lu ce texte immédiatement mais ma réaction, ma réponse, a été empêchée par divers grains de sable mal venus.
Tout cela me plait remarquablement.
Le fond, c'est-à-dire ce Serge Collinet que je ne connaissais pas, qui a joué comme moi au P.U.C. mais certainement bien plus tard, et son livre (que je viens de commander) qui me font -l'homme et le propos-, je ne sais pas trop pourquoi penser à Deleplace? En fait, si, je sais pourquoi.
Et puis, ce texte, magnifique, chaleureux d'André Buonomo. On peut difficilement trouver mieux comme critique littéraire pour lancer un livre sur le rugby et l'enseignement. Je le résumerais, de mon côté, par deux phrases qui me semblent être les pôles, les balises qui me touchent profondément:
"...la créativité de l'adolescence", d'une part,
"...quelques larmes nostalgiques sur le temps qui passe si vite", d'autre part.
J'attends le coup de fil de ma petite librairie de campagne me prévenant de la réception de ce "Rugby au cœur". Librairie dont je ne peux m'empêcher de faire la promotion, ne serait-ce que pour son nom: "Mots et Merveilles" à Sainte-Foy-L'Argentière (69610).

richard escot a dit…

Comme souvent, André, ton commentaire aussi bienveillant qu'éclairé apporte une fraîcheur qui fait mon ravisssement, ce midi.
André est un authentique artiste, un humaniste de la meilleure veine.
Et son joli petit coup de plume donne effectivement envie de lire cet ouvrage.
Tu nous diras ici même ce que tu en penses dès que tu l'auras lu, n'est-ce pas ?

André Boeuf a dit…

Je reviens de ma librairie "Mots et Merveilles", le livre "Rugby au cœur" dans la sacoche de mon vélo. Petit tour. Fatigué actuellement, plus kiné ce midi...Mais un tel beau temps! Un peu juste cette semaine pour le lire...nous verrons dans quelques temps...A un de ces jours, donc.